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PAS DE CHECK-POINT CHARLIE POUR JERUSALEM
Par Emmanuel Dupuy et Gérard Benhamou

L’homme gravit les larges marches vers les soldats du poste de garde, les épines des barbelés déchirent le ciel, des gouttes coulent sur son front. La ruelle pavée est encore tiède de la chaleur du jour. Nous ne sommes pas en 1960 à Berlin, ni en 1975 à Belfast, mais à Jérusalem, en 2007.

Le pacte de Genève montre que la paix est possible. Techniquement possible parce que le travail détaillé n’a rien passé sous silence et qu’il parle aux populations de champs et de vergers, de ports et d’usines. Humainement possible parce que le dialogue direct s’est déroulé sans médiateurs et sans gendarmes et qu’il rend la responsabilité à deux peuples pour que leurs enfants ne soient plus jamais les otages de l’extrême islamisme comme de l’extrême sionisme. Il apporte les moyens d’éteindre le brasier entretenu par les manipulateurs de la misère, de la haine et de la mort.

Tous ceux qui, comme nous, l’ont signé, veulent aussi signifier que cette paix est nécessaire au monde. Qu’elle débarrasse les sociétés modernes d'un faux débat qui ne profite qu’aux tenants d’un internationalisme velléitaire voulant en faire le dernier ersatz révolutionnaire ou à ceux qui flattent le national-cléricalisme et convoitent les pouvoirs autoritaires d'Etat.

Mais il faut aussi que cette paix du divorce organisé pacifiquement, soit possible politiquement. Et son point faible par la religion et par le pouvoir, s’appelle Jérusalem.
Répartie mais aussi divisée de part et d’autre d’une ligne de démarcation, la ville peut redevenir la coupure à vif où la paix sera à la merci d’une bousculade. L’orgueil empêchera qu’aucun homme se proclamant fort, ne puisse avouer à son peuple qu’il abandonne la ville de son mythe ; et les factions religieuses peuvent encore nourrir la surenchère de la guerre. Il faut tout faire pour ne pas revenir à la partition physique et barbelée d’avant 1967.

Parce qu’elle était le prétexte pour sanctifier la guerre, la dimension spirituelle doit être la première de la paix. Apres avoir été l’enjeu, la plus antique des cités humaines encore vivantes, plusieurs fois sainte, doit retrouver sa véritable dimension, celle du site où les trois messages des grands monothéismes révélés s’évaluent sans concessions mais comme une triple interprétation du fait de civilisation. C'est aussi par la foi qu’on peut garantir la paix. Au-delà d’une attribution équitable et délicate des aires de vie et de pratiques, Jérusalem est une aire de sens. En dépassant la répartition de la garde des lieux saints, l'unité de la ville doit avoir une signification mondiale pour priver le fanatisme de toute raison.

Il devient donc urgent que la paix possible portée par les négociateurs d’Oslo et de Madrid, s’accompagne de l’indispensable laïcisation du statut de Jérusalem. Car, duplices ou sincères, les responsables publics, tant palestiniens qu’israéliens, ne pourront obtenir l’adhésion suffisante pour renoncer au symbole international de la ville, des opinions populaires divisées, déresponsabilisées et fuyant l’absence d’espoir dans l’irrationnel. Il faut donc que, sans reniement de part et d’autre, Jérusalem soit à la fois capitale d’Israël et de Palestine, siège des institutions des deux Etats reconnus par la Communauté internationale, et lieu de représentation auprès d’eux de la diplomatie internationale.

Pour une ville partagée mais aussi appropriée, il faut imaginer un statut particulier : l’indivision entre deux nations au nom de toutes les nations qui se réclament aussi d’une part de son sens. Ce « District » de Jérusalem ne sera pas l’extraterritorialité, conformément à la réorganisation de frontières viables voulue par l’Appel de Genève.

Son champ d’application sera seulement celui de la gestion civile indivise de la Cité par un Conseil spécial unique, doté d’une force mixte, réunissant paritairement les élus des deux Etats pour délibérer et associant pour avis consultatif, mais ô combien significatif, les représentants du monde chrétien, clercs ou religieux. Le restrictif face à face judéo-musulman serait ainsi enfin élargi mais surtout bénéficierait d’une autorité morale et matérielle inespérée.

Car la véritable dynamique de paix pour le Proche-Orient ne viendra pas seulement du calme retrouvé. Le handicap est ancien, l’Occident n’a pas accordé le plan Marshall qui aurait du accompagner il y a cinquante ans l’exode des Palestiniens et obliger les pays voisins à ne pas les laisser croître et croupir dans des camps de réfugiés. La situation s’est beaucoup dégradée depuis que le dynamisme économique d’Israël mitoyen de celui du Liban, laissait imaginer que la prospérité enfanterait la paix. La vraie fausse guerre civile pour l’un et l’effort de guerre permanent pour l’autre, ont sensiblement dévoré toutes les ressources, il n’y a ainsi pratiquement plus d’argent pour la recherche et l’innovation civile.

L’Etat d’Israël, porté par cinquante années d’expérience démocratique et une croissance économique exemplaire pourra t-il ainsi surmonter cette crise d’identité grave, qui met directement en danger le pluralisme et les valeurs démocratiques, au profit des populismes de tout genre et de part et d’autres ?

L’écart de paupérisation s’accroît pour la population palestinienne qui ne compare pas sa misère à celle des banlieues du Caire mais à l'aisance de la vitrine israélienne qu'elle accuse d'en être la cause. Pour le futur Etat en Cisjordanie (ex-jordanienne) et à Gaza (ex-égyptienne) et qui laisse encore des ressortissants au sud-Liban, le fonctionnement démocratique est réduit à néant par la corruption, la subordination fanatique et la violence aveugle conduite par le fanatisme religieux. Pour Israël, les objectifs de l’Etat évoluent de façon moins rationnelle depuis que les plus récentes vagues d’immigration sont arrivées de Russie et d’Afrique, sans culture ni pratique démocratiques précises. La mission de terre d’accueil s’achève et la vision laïque et progressiste des Pères fondateurs laisse la place à une affirmation émotionnelle et irrationnelle de l’identité nationale par la religion.

Or, c'est Jérusalem, par un statut spécifique, qui peut être la passerelle entre les civilisations du Livre et constituer la seule respiration pour deux pays, dont l'un est de plus coupé en deux, enfermés pour longtemps dans leurs méfiances et leurs contradictions internes. Jérusalem, capitale de deux Etats, peut être le forum social commun et le poumon des échanges internationaux qui pourront recréer les conditions du développement pour toute la côte méridionale de la Méditerranée et par extension, de l’ensemble du Golfe persique.

La création d'un Etat voulu par l’ONU en 1947, a été la seule du droit international qui a permis d’assurer à un peuple un territoire d’Histoire, des droits et une dignité. Le District de Jérusalem peut incarner à nouveau cette volonté, à condition de s’en donner les moyens. Une des pistes à explorer, serait la prise en compte de la dimension symbolique de la ville, en recevant, par exemple, le siège d’instances de tout premier plan.

Le plan de paix proposé par Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo, planifié sur plusieurs années, doit s’emparer de cette question en reprenant l’esprit de la Charte constitutive de la SDN, pour qui le bien-être et le développement des peuples forment une mission sacrée de civilisation. Du règlement de cette question découle peut-être la crédibilité du multilatéralisme supposé être encore portée par les Nations Unies.

Qui n’a pas rêvé, en effet, de voir la paix durablement ancrée dans une Jérusalem, sécurisée, qui accueillerait un bureau permanent de l’ONU, ou encore la future Agence Mondiale de l’Eau, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), voilà un élément concret à partir duquel la « Feuille de route » que dit encore soutenir G.W Bush, puisse faire la liaison avec les nobles ambitions portées par l’Appel lancé avec enthousiasme à Genève.


Emmanuel Dupuy est président de l ‘Association Etudes en Relations Internationales et Défense (ERID) ; Gérard Benhamou est président de l’Union des Républicains Radicaux (U2R), ancien député au Parlement européen.