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PALESTINE: TEMOIGNAGE : LA SERPILLERE Par Nathalie Laillet
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PALESTINE: TEMOIGNAGE: LA SERPILLERE
Par Nathalie Laillet


Les premiers flocons ont commencé à tomber pendant le cours des 9ème (équivalent des 3ème en France). C'est une classe de garçons d'une quinzaine d'années qui me donne déjà beaucoup de fil à retordre en temps normal. Mais là....
« - Il neige miss !
- tu aimes jouer dans la neige miss?
- tu as de la neige comme ça en France, miss? »
J'ai laissé tomber le cours sur le passé composé...On a revu la météo...

Emoi dans toute l'école. Les gosses hurlent (littéralement...) de joie. Faut dire, de beaux et gros flocons blancs comme ce lundi 24 février, on n'en voit pas tous les ans ici…

Bref, on ne tient plus les gosses...ni même les profs d'ailleurs! La réunion prévue à la fin des cours est annulée, on rentre vite chez nous à travers les flocons. Il fait très froid, les taxis sont bondés. J'ai du mal à en trouver un pour rentrer chez moi. Je peste et je râle. J'aime pas la neige, moi. J'arrive chez moi. L'électricité a des ratés. Dommage parce que c'est ma seule source de chauffage. Résumons la situation : il neige, il y a du vent et pas d'électricité. Tout va bien. Seule bonne nouvelle: la neige commence à tenir par terre: si c'est toujours le cas demain, je suis au chômage technique, youpii!

Mardi matin, j'ouvre un oeil vers 6h30, direction la fenêtre, ooouuuaahhh, tout est blanc !!!!!! Pire que ma Normandie natale!! Pas de boulot aujourd'hui, je retourne au lit, seul endroit à dépasser les 10 degrés dans la maison...

Je finis pourtant par me lever, surtout que l'électricité est de retour. Il neige toujours. Pas un bruit, pas une voiture. Je monte sur la terrasse. Toute blanche. 20 centimètres. 20 centimètres de poudreuse sur la terrasse, les copains ! Incroyable!! Pause bonhomme de neige (on ne se refait pas) et retour près du chauffage. L'électricité n'est pas coupée, mais la parabole est enneigée...Pas d'infos donc...

Mercredi j'ouvre un oeil un peu plus tard: 7h. Toujours tout blanc. Retour au dodo. Vers midi, des amis viennent chercher mon appareil photo. Je pars avec eux; c'est des raquettes qu'il faudrait!!! On s'enfonce dans la neige, on met plus d'une heure pour faire moins d'un kilomètre... Etrange, ces trois jours de neige...Un couvre-feu sans l'armée, quoi : on retrouve les vieux réflexes : on se lève de plus en plus tard, on économise le pain et les produits frais (ça pour être frais...une anecdote : j'avais oublié le beurre sur le plan de travail; quand je l'ai retrouvé le lendemain matin, il était aussi dur que s'il sortait du frigo...), on boit du thé à longueur de journée, on peste après l'électricité ou l'eau, on joue aux cartes avec les voisins, on téléphone aux copines (ce dernier réflexe serait d'ailleurs plutôt un réflexe d'étrangères que de palestiniennes...). Bref, sorte de répétition générale avant ....

Ca fait du bien, ces trois jours. Pris dans notre neige, on en a presque oublié le reste. L'armée est peu présente, contrairement à la semaine dernière. Il parait même qu'on passe Qalandia (check pour Jérusalem) les doigts dans le nez depuis mardi... Répétition générale donc...Faut que je rachète du riz et des pâtes. Viande à congeler. Côté bougies, ça va. Gaz aussi. Et j'ai rempli les jerricans. Mais je n'ai toujours pas fait ma pièce-refuge !!! Vous en avez une, vous, de pièce-refuge? Attention, c'est important…

Vous avez bien sûr entendu parler du risque NRBC? Non?! Mais d'où sortez-vous?? Nous, ici, on est des pros de la lutte contre le risque NRBC. Risque nucléaire, radiologique, biologique ou chimique, si vous préférez. Au cas où Saddam nous prendrait pour des Kurdes, quoi...En gros, faut avoir une pièce refuge chez vous en cas d'alerte NRBC. Le problème, c'est si vous êtes pas chez vous quand l'alerte se déclenche... Du coup, avant d'aller dîner chez des copains, renseignez-vous donc: " - T'as une pièce-refuge, toi? Je t'apporte une serpillière? " . Refusez catégoriquement une invitation chez des gens qui n'ont pas de pièce-refuge. Et encore...Faut être prêt à partager de véritables moments d'intimité avec vos copains, sachant que l'alerte peut durer deux jours et qu'on est censé prévoir dans cette pièce... un pot de chambre!!! Ben oui, la pièce étant " refuge ", ce qui signifie donc confinée, vous ne pensez tout de même pas que vous allez ouvrir la porte si vous avez une envie pressante!! La pièce est censée être confinée par vos soins: plastique sur les vitres, et serpillières sous les portes...

Ha là là, si on avait su tout ça en 1945...Il aurait fallu leur dire aux habitants d'Hiroshima et de Nagasaki d'acheter des serpillières! Et les Kurdes alors! Achetez donc des serpillières, ça pourra vous sauver la vie... Risque NRBC donc....à cause de Bush. Mais bien plus sûrement risque de couvre-feu en Palestine occupée à cause de Sharon. Et la serpillière vous sauve encore une fois la vie!! En effet, après une semaine à tourner en rond chez vous, vous avez lu trois fois tous vos bouquins, épuisé toutes les ressources de TV5, dernière solution avant de devenir fou : le ménage!! Non, vraiment, investissez dans les serpillières!!

Trois jours de répétition générale donc. Il faut que je remplisse mon frigo. Moi, j'ai les moyens de le faire. Beaucoup de palestiniens ne rempliront pas le leur. Je pense notamment aux réfugiés. Beaucoup ne survivent que grâce à l'aide alimentaire de l'UNRWA (office de l'ONU pour les réfugiés palestiniens crée en 1948). L'UNRWA a annoncé officiellement qu'il ne serait plus en mesure d'apporter cette aide à compter du 15 mars prochain et cela parce que les donateurs ont brutalement arrêté de verser leurs contributions. Parmi eux, les USA. On comprend qu'ils n'aient plus envie de payer. Parmi eux aussi, l'Union Européenne. C'est bien beau de faire front contre les USA et de passer pour les défenseurs des droits de l'homme. Reste qu'ici en Palestine, à partir du 15 mars prochain, plus d'un million de palestiniens n'auront plus de quoi manger.

J'ai eu froid, ces derniers jours. Mais moi j'ai un toit au-dessus de la tête et même du chauffage. Des milliers de personnes, principalement à Gaza, sont à la rue parce qu'Israël a détruit leurs maisons.

Dehors, sous la pluie, la neige, dans le froid. Et des milliers de prisonniers politiques aussi. Détenus arbitrairement dans des conditions terribles. Il y a un camp de détention, pas très loin de Bétunia (village où j'habite), le camp d'Ofer. Des centaines de palestiniens y sont détenus sans même avoir été jugés. J'ai beaucoup pensé à eux ces trois derniers jours. Il n'ont presque rien à manger, et surtout, ils vivent sous des tentes. Rien ne les protège du froid. Pas assez de couvertures pour tout le monde. Il fait 0° et ils dorment dehors. Leur tort? Etre nés palestiniens. La planète est en train de devenir folle. Je ne sais plus s'il faut en rire ou en pleurer.

Nathalie Laillet enseigne en Palestine