LES PUTAINS ET LES DEPUTES
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La presse en a parlé, partie parce que « le cul fait vendre », ce qu’ont amplement confirmé ces derniers mois les affaires DSK, partie parce que cela touche un réel problème de société. Nos députés ont voté, avec une touchante unanimité, un texte de principe confirmant la position « abolitionniste » de la France pour ce qui concerne la prostitution. Position qui pourrait être discutable, et est d’ailleurs discutée, mais passons, si on peut dire. Se profile à un horizon pour le moment indéfini la volonté de certain-e-s de nos parlementaires de voter une loi pénalisant le client des prostitué-e-s, à l’instar de la législation suédoise, à rebours des législations allemande (sur ce coup, houps pardon, il ne semble pas être question d’une « harmonisation » franco-allemande), belge, espagnole, hollandaise, suisse pour ne citer que nos plus proches voisins.
Rappelons qu’aujourd’hui, la prostitution n’est pas considérée comme un délit. Une, un prostitué-e peut exercer cette activité à la condition de ne pas racoler, cette condition étant déjà lourde de subjectivité, surtout depuis l’interdiction du « racolage passif », sortie du cerveau déjà fertile et déjà approximatif de Nicolas Sarkozy avant qu’il devienne président.
Pénaliser le client d’une activité autorisée, voilà qui serait nouveau juridiquement. Premier hic. Le second, et sans doute principal, touche à l’image de la prostitution, activité jugée dégradante. Image purement moralisante. Dans l’histoire de l’humanité, chacun sait ou devrait savoir que certaines formes de prostitution conféraient à leurs prestataires un statut social envié. Et aujourd’hui encore, même si les mariages « arrangés » sont nettement moins nombreux que voilà un siècle, il est possible de considérer que le mariage demeure une forme de prostitution, illustrée par le fameux « devoir conjugal », exposé récemment en justice par une dame accusant son époux de ne pas s’y consacrer.
Le troisième hic tient à la confusion souvent volontairement entretenue entre prostitution et proxénétisme. Pour nombre de nos élus, pour nombre de nos concitoyens, qui dit prostitué-e dit proxénète. Il est certain que beaucoup de prostitué-e-s sont sous la coupe de proxénètes qui utilisent très souvent des moyens d’extrême violence pour forcer leurs victimes à se prostituer ou, plus rarement, se limitent à un rôle d’entremetteur-e entre personnes consentant à une relation sexuelle tarifée. Il est non moins certain que d’autres prostituées exercent leur activité de façon indépendante. Une infime minorité selon les uns, une proportion non négligeable selon les autres. Impossible de trancher faute d’éléments statistiques fiables. Une loi de pénalisation du client est évidemment ardemment combattue par les organisations de type syndical regroupant principalement les prostitué-e-s « indépendant-e-s ».
Au nom de quoi interdirait-on, de fait en pénalisant le client, l’exercice d’une activité à une personne décidant par choix (cela arrive même si c’est rare) ou par opportunité (« mieux vaut ça que le RSA ou le SMIC ») de s’y livrer. C’est là que revient le hic moralisant. Exemple souvent mis en exergue : le traumatisme des enfants. Mais nous avons connaissance de personnes se livrant à la prostitution qui sont des mères, parfois des pères, attentifs. Ce qui est d’autant plus méritoire que la loi interdit de fait toute vie de famille à une personne prostituée, le conjoint (ou la conjointe) étant automatiquement considéré comme proxénète, quand bien même il ou elle ne percevrait aucun revenu des activités de sa ou son partenaire. Autre exemple : il n’est pas admissible de faire commerce de son corps. Il faudrait alors interdire, entre autres activités, tout le sport professionnel. Sauf à considérer, et le hic moralisant, éclate à la figure, qu’il est possible de faire commerce de certaines fonctions des corps et pas d’autres. La religion n’est pas loin, et sa répugnance à la fornication.
A notre sens, le vrai combat n’est pas à rechercher dans la pénalisation du client, ni dans la culpabilisation ou le harcèlement judiciaire des prostituées, mais dans une réelle volonté d’éradiquer le proxénétisme. Cette volonté n’existe pas, n’a sans doute jamais existé. Les effectifs policiers spécialisés dans ce domaine n’ont jamais été aussi réduits. Sans compter ce que beaucoup savent : le champs de la prostitution est le vivier le plus fécond d’indicateurs pour la police. Nous ne contesterons pas la nécessité pour toute police de disposer de réseaux de renseignements. Mais dans ce cas précis, n’est-ce pas une partie de l’obstacle à une politique réelle de lutte contre le proxénétisme, et surtout contre ses formes les plus violentes ?
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