Carla Pires : un moment de grâce
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Le temps n’était pas clément ce dimanche après-midi dans le très joli cadre de la roseraie de L’Häy-les-Roses. Un abri avait même été ajouté, par précaution contre une pluie menaçante. Celle-ci ne vint pas, mais il faisait frisquet, comme on dit.
Carla Pires fait partie de la nouvelle génération du fado, parvenue à maturité dans leur trentaine ou leur jeune quarantaine, celle des Mariza, Katia Guerreiro, Ana Moura, Ricardo Ribeiro, Antonio Zambujo et quelques autres. Elle chante depuis vingt ans déjà, car la musique est pour elle un amour de jeunesse. Elle a fait son apprentissage, c’est ainsi qu’elle le définit, dans les maisons de fado de Lisbonne, et notamment assez longtemps au Clube do fado, la maison huppée d’Alfama dirigée par le guitariste Mario Pacheco. Elle a participé, dans le rôle d’Amalia jeune, au spectacle musical de Felipe de la Feria consacré à Amalia, aux côtés notamment d’Alexandra et de Ricardo Ribeiro. Et sorti deux albums sous son nom. Le premier, édité voilà six ans, bénéficie de la présence de quelques-unes des pointures de la guitare portugaise : outre Mario Pacheco, on y entend Custodio Castelo, José Manuel Neto, Paulo Parreira. Le second vient de sortir, distribué en France par harmonia Mundi. Elle y est accompagnée par le groupe qui la suit dans sa tournée européenne : Vasco Sousa à la guitare basse, Antonio Neto à la viola et Luis Guerreiro, vu récemment à Paris avec Antonio Zambujo et Misia. Ce dernier était absent à L’Häy-les-Roses, remplacé par l’excellent Sandro Costa.
Vêtue avec simplicité en vert olive et noir, l’œil pétillant (comme Zambujo) sous les cheveux de jais, Carla Pires ne met pas longtemps avant de s’emparer de son public, tantôt avec douceur, tantôt avec énergie, avec un final époustouflant (Lisboa, menina e moça, Os pregões, Zanguei com o meu amor). Voix déliée, grande complicité avec ses musiciens. Antonio Neto, une référence parmi les « violas do fado », est d’ailleurs le compositeur de plusieurs thèmes de son second album, Rota das paixões. Artiste complète, Carla Pires : actrice de théâtre et de télévision, fadiste bien sur, elle a aussi composé quelques mélodies et écrit quelques textes, réussis, de Rota das paixões. Mais, dit-elle, je ne me considère pas comme auteur ou compositeur. Modeste, donc, mais déterminée.
L’univers musical de Carla Pires s’étend du fado traditionnel, majoritaire dans son premier album, Ilha do meu fado, à la ballade proche du folk song, qui caractérise nettement son second. Elle aime chanter la mer, et le ciel et ses oiseaux, « ne me demandez pas pourquoi, cela m’a toujours inspiré ». Le programme de son concert inclut quelques titres de Rota das paixões, mais aussi des fados traditionnels, quelques tributs à Amalia, et, plus encore, à l’esthétique musicale initiée par Carlos Do Carmo dans son désormais légendaire album Um homen na cidade. Dès que les guitares et la voix de Carla Pires prennent possession de la scène, elles prennent aussi possession de notre esprit, et le temps frisquet est vite oublié. Quand il revient, après le concert, on ressent la paix de ceux qui se sont réchauffés le cœur.
Carla Pires souhaite que le fado s’ouvre davantage au monde. Ce n’est pas une déclaration de guerre au fado traditionnel, qu’elle affirme aimer chanter et écouter. Il y a place, dit-elle, pour différents types de fado. Amalia la première, puis Carlos Do Carmo, ont beaucoup fait, selon elle, pour élargir les frontières du fado et le rendre universel. Elle ajoute : « on a parlé de « novo fado », je n’aime pas cette expression. Il y a le fado, qui peut prendre divers chemins, qui permettent de nouvelles découvertes : le fado vit ».
Cet article est également paru dans Lusojornal en date du 14 juin 2012
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