Dans le petit monde du fado francilien, impossible de manquer Casimiro Silva, homme tranquille, toujours serviable, parfois rêveur avec une lueur enfantine dans le regard, rarement bougon. Fin 2013, il fêtera trente-cinq ans de présence en France, il a joué et chanté dans tous les lieux de fado de la région, a porté le fado dans nos provinces et dans les pays limitrophes. Et chaque année, il profite de ses vacances pour retrouver Lisbonne et ses maisons de fado, et son Alentejo natal.

Le fado, il y est entré par une grande porte, à 17 ans. Invité par des amis, il entre pour la première fois dans une maison de fado, est invité à y chanter et y est derechef embauché. C’est dans le Bairro Alto A Tipoia, en 1967, la maison tenue par la fadiste Adelina Ramos, où évoluent alors d’autres grands noms du fado : Manuel D’Almeida, la trop oubliée Quinita Gomes, et le très grand guitariste Casimiro Ramos, auteur entre autres du fameux Nocturno, toujours joué par les maîtres de la guitare portugaise. Peu de temps après, il part pour le tout voisin Solar da Herminia, la maison de fado d’Herminia Silva, une légende du fado. C’est elle, son mari et Manuel d’Almeida qui aideront le jeune Casimiro, pas encore careca, à obtenir la précieuse carte professionnelle, qui n’était que rarement délivrée à des mineurs. De prestigieux parrains ! Casimiro, jusque là uniquement chanteur, commence alors à apprendre la guitare - la viola - aidé des conseils de ses pairs. Il travaillera ainsi notamment à Porto avec un autre éminent guitariste, Armenio de Melo, et une autre diva : Beatriz Da Conceição.

En décembre 1978, il est contracté pour un mois avec le guitariste et chanteur Carlos Macedo et Filipe Duarte par Don Agostinho, le jovial patron du restaurant Saudade à Versailles. Il y restera trois ans, et y retournera même quelques années plus tard. Il participera aussi à l’ouverture d’autres maisons de fado aujourd’hui disparues : le Petit Cardoso, l’Express, Avril au Portugal, O fado. Pourquoi est-il resté en France ? « Il y avait du travail, une ambiance agréable, et puis le décès de mes parents m’a un peu coupé du Portugal ». Un peu seulement, témoigne la chanteuse Monica Cunha, qu’il accompagne souvent à Paris : « A Lisbonne, Casimiro est intenable, il est prêt à passer toutes nuits dans les maisons de fado jusqu’au petit jour ». A cette époque ces lieux proposaient du fado tous les soirs, comme à Lisbonne. Heureux temps…

Casimiro a depuis joué et chanté dans tous les lieux parisiens de fado. Il est depuis 15 ans abonné les jeudis soirs au Saint-Cyr Palace, aux mardis du Saudade à Paris, aux nuits de fado mensuelles du Petit Chalet à Colombes (la plus adorable des patronnes de maisons de fado, dit-il de Dona São, qui règne avec gentillesse sur ce rendez-vous fadiste, mais il aime bien les autres aussi) et participe à la réouverture de L’Express, transféré de la rue Cardinet à Paris vers la rue Martre à Clichy en ce début novembre, chaque dimanche soir.

Accompagnateur apprécié, Casimiro Silva est aussi l’un des meilleurs chanteurs de fado de la place parisienne, disposant d’un vaste répertoire. Ce qu’il pense du fado à Paris ? Ne lui demandez pas de jugements sur les personnes, Casimiro a bon cœur : « Il y a ici beaucoup de talents chez les musiciens et les chanteurs. Il y a peut-être un peu de charlatanisme, mais à Lisbonne aussi, et il n’y en a pas que dans le fado, ce n’est pas grave », dit celui qui a pour références Fernando Farinha, Maria Teresa de Noronha, Fernando Mauricio, et, nous allions dire évidemment « a nossa divina Amalia Rodrigues ». Il a beaucoup de choses à raconter, Casimiro, et nous espérons le retrouver bientôt dans ces colonnes.