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TRIBUNE LIBRE : De quelques réactions envers l’actualité à de lourdes questions d’été

lundi 9 septembre 2013
par  Gérard Bélorgey
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Police et immigration

La punition musclée à laquelle on a assisté sur un portail comme Orange, et reprise un peu dans la presse, est non seulement une honte (même si la femme que la police voulait contrôler aurait , paraît-il , voulu mordre un pauvre « gardien de la paix » !), mais, de surcroît, en montrant au total l’intervention de huit à dix fonctionnaires de police et de trois à quatre voitures, cette séquence indique que si l’on utilisait mieux des effectifs (qui devraient être autrement formés et tenus et non lâchés comme des cow boys, voire des voyous), peut-être qu’il y aurait moins de besoins supplémentaires de recrutements ( du même tabac) ? N’est-ce, hélas, prisonnier de sa Maison, Manuel Valls au concret ?

Celui-ci s’offre, par ailleurs, la popularité dans un interview du lendemain, de remettre en cause - contre une jurisprudence acquise depuis un quart de siècle (cf. GISTI, CFDT , CGT – C.CE. 8 décembre 1978, sur le droit de mener une vie familiale réelle, ce qui a valeur, je crois, de quasi principe fondamental du droit français) et encadrée depuis lors par des dispositions françaises, européennes et internationales - le regroupement familial (qu’il ne faut pas minimiser car si l’on compte tous les types de mouvements qu’il comporte il constitue un flux de l’ordre de 60.000 personnes/an ) pour se marquer contre l’immigration.

Un séminaire à côté de bien des enjeux

Voilà l’une des importantes perspectives de la France à venir qu’il accroche à un séminaire intéressant par la préoccupation écologique et des perspectives pratiques, mais par ailleurs largement vide de lucidité, de courage et de sens ! Une autosatisfaction hollandaise (si bien illustrée par les dessins de Plantu) qui ne pose aucune des questions fondamentales pour la survie de la France. En 2025, au fil de l’eau libérale, sera-t-elle colonie américaine ou asiatique ? En synthèse, plutôt sans doute, un espace d’hyper jungle concurrentielle, morcelée en régions centrifuges et livrant nos descendants à toutes les servitudes . Bien loin du cinéma proposé, les questions qu’il eut fallu aborder sont d’abord de savoir s’il ne faut pas, en lieu et place de l’euro, une monnaie réajustée en baisse et une Banque centrale pouvant prêter non seulement aux banques privées , mais aussi directement et à très bas taux aux États, fut-ce par une création monétaire indispensable , et en opérant de la sorte, parvenir d’une part à monétariser une partie de la dette, d’autre part, à financer certains investissements productifs par de l’argent public. Notons - nous y reviendrons - que cette voie est au demeurant le seul moyen de lutter contre les inégalités ( sinon, celles-ci sont l’inévitable produit du financement exclusivement privé de l’investissement productif exigeant qu’il y aient au sein des citoyens, de très grosses différences entre revenus, épargnes et propensions à investir des uns et des autres) .

Le besoin n’est-il en second lieu - même si l’on en venait, comme l’exposé d’ouverture paraît y pousser, par mauvaise habitude et facilité, à plutôt choisir les services que la ré-industrialisation - de se protéger contre les dumpings structurels des pays émergents (parmi lesquels les pauvres de l’Éthiopie viennent relayer Chine et Bengladesh, pour continuer à habiller au prix d’exploitations criminelles, parmi d’autres clients, notre jeunesse friquée à laquelle spécialistes et médias expliquent tous les jours que pour "acheter français" leurs nippes à la mode, il faudrait débourser beaucoup plus). Et ce besoin n’inclue-t-il solidairement celui de soutenir sélectivement (ce que ne permet pas le Crédit impôt qui gaspille l’argent public parce qu’il est malheureusement construit dans le respect des règles européennes d’égalité de traitement entre types d’activités, alors que certaines méritent des aides et d’autres non) nos productions de biens comme de services, placées pour un quart d’entre elles sous l’épée de Damoclès, non pas des délocalisations d’avant hier (bien peu atténuées par des relocalisations en vérité exceptionnelles, quoiqu’on veuille nous faire prendre l’arbre pour la forêt) mais, aujourd’hui, sous celle, tout simplement, des localisations externes : la mortelle épidémie qui nous anémie, accompagnée des infiltrations massives dans l’hexagone d’une très importante population sous rémunérée de travailleurs indépendants ou salariés plus ou moins clandestins dont beaucoup issus de l’Est et de l’Asie . La différence entre la Chine et le Qatar c’est que les pays du premier type nous mangent (et de deux manières) des emplois tandis que ceux du second type nous apportent des investissements qui créent ou consolident des activités sur notre propre sol.

Pourquoi tant d’islamophobie ?

Mais les seconds - n’est-ce pas ? – ce sont des Arabes et donc, dans une belle confusion des racismes et des pharisaïsmes, dans les collimateurs d’une islamophobie déferlante qui , au nom d’une laïcité hypocrite et bien pensante, envahit jusqu’aux colonnes de "Marianne". Alors que l’Europe est déjà pour partie colonisée au plan capitalistique par les puissances économiques asiatiques, c’est l’islamisation de cette Europe qui obsède nos aveugles, en vérité, à notre sens, parce qu’ils rejettent les paradigmes spirituels de quelque religion que ce soit, alors qu’ils accueillent parfaitement les valeurs de commerce, de sexe et d’argent qui vont de pair avec toute colonisation commerciale, dont celle de l’Asie, totalement discrète pour sa part aux plans moral et religieux…. Et , comme il est vrai - comme aurait dit Bernanos - que l’islamophobie « souffle entre les couilles » de 78 % des Français, le ministre de l’intérieur a trouvé, lui, « digne d’intérêt » l’hypothèse d’interdire le voile à l’université, alors qu’on sait combien la loi « sur le voile » est déjà le porte manteau de nouvelles ratonnades contre celles qui font acte d’identité et de conviction en le portant dans de ce pays qu’elles avaient cru être le pays des droits de l’homme et de la femme. Mais les "musulmans" sont tombés sur la religion de l’intégration assimilatrice laïque qui a d’abord voulu que le foulard soit proscrit à l’école, ce que d’autres pays comme le Canada trouvent raciste puisqu’il existe des formes possibles de conciliation [1]). Puis, il a fallu commencer à aller « jusqu’au bout de notre modèle », comme, de manière bien sectaire, le conseillait B. Kriegel - en tant qu’elle fut présidente du Haut Conseil de I’Intégration [2]- ce qui consiste à regarder « comme inacceptable tout ce qui porte atteinte, dans une culture, aux droits fondamentaux de la personne ». Voilà qui peut conduire à différentes voies. Celle, indispensable, de faire prévaloir la loi du domicile en France pour protéger des dizaines de milliers de femmes contre l’excision, la polygamie, l’inégalité entre époux, les mariages forcés. Celle qui semble bien excessive, comme d’interdire dans tous les lieux publics tout ce qui paraît suspect d’originalités et d’atteintes aux droits des femmes (des tenues traditionnelles), comme ce qui est apparu dans la « charte de la laïcité dans les services publics ». En voulant répondre à certaines difficultés relationnelles pouvant résulter des exigences des uns ou des autres au sein des activités administratives, éducatives, sportives, hospitalières, etc., cette orientation est-elle la réponse mesurée qui permette de concilier des principes qui peuvent se heurter - la liberté de conscience et le libre exercice public des cultes d’un coté ; la laïcité de l’autre - dans une équitable application de l’égalité entre usagers des services publics ? Qu’il est difficile de trouver le bon dosage entre la protection et la tolérance. Plus de dosage ? C’est surtout au nom de la protection des femmes qu’a été votée la loi proscrivant le voile dans les lieux publics tandis qu’elle a été validée par le Conseil constitutionnel en recourant à l’existence - qui serait de portée constitutionnelle - d’un principe obligeant à respecter une règle de vie en société. En fait ce qui couvre le visage symbolise à la fois ce qui est ressenti comme une inadmissible domination masculine sur des femmes et comme un marqueur puritain provocateur, affiché pour répliquer à la permissivité occidentale par le signe d’une décence faisant partie des valeurs d’opposition de l’Islam. Et c’est exactement ce que bien de nos contemporains ne peuvent pas supporter, pas plus que les tenues traditionnelles obsolètes des religieuses et des curés, convaincus qu’ils sont du droit imprescriptible à la liberté des corps et des mœurs ; aussi conçoivent-ils parfaitement que la femme soit dans notre société bien fréquemment, dans des tenues provocantes, sous la plus ou moins agréable aliénation d’être appréciée comme objet sexuel, mais ne peuvent-ils admettre qu’elle subisse la servitude, voire qu’elle assure l’orgueil, d’être dérobée aux regards. Et bien entendu, ce conflit fondamental qui relève de la socioanalyse du semi inconscient collectif est camouflé sous les respectables motifs d’assurer la dignité des femmes et la sécurité des personnes, alors que c’est une société multicommunautaire – affichant des différences entre autres vestimentaires - qui aurait pu être la belle héritière du rêve de l’Union française.

Réconcilier Valls et Taubira par un vrai budget pour la Justice

Ce n’est pas manifestement celui de l’homme à propos duquel j’avais bien dit lors des primaires qu’on n’avait pas besoin d’un Sarko bis. Il a, par contre, raison pour moitié envers Taubira. Il ne faut pas plus d’automaticité pour réduire les peines que pour en prononcer : donc ni peines plancher, ni libération automatique à X% d’une durée de condamnation ; mais pour cela il faut beaucoup plus de places de prison (et aussi pour qu’elles sortent de l’horreur qu’elles sont souvent), comme il faut beaucoup plus de moyens, crédits et personnels, pour les suivis et la probation, ces bons versants de l’approche de la Garde des Sceaux. Aussi, le seul arbitrage correct au regard des positions des deux ministres serait de prendre ce qu’il y a de bon chez chacun et donc d’augmenter considérablement le budget de la Justice dont notamment les services pénitentiaires, ce qui serait comme E. Guigou le demanda en vain, la vraie révolution française : tout simplement pour se mettre au niveau de pas mal de nos voisins, en bref pour assurer à la fois la sécurité demandée à droite ainsi que par tous les Français et une chance de dignité des traitements appliqués aux détenus. Mais c’est impossible parce que l’Europe, à travers les conséquences qu’elle porte sur nos règles budgétaires, s’oppose aux besoins des services publics les plus fondamentaux et les plus démunis.

L’Europe un handicap dans tous les domaines ?

Il faudrait donc que François Hollande sache reprendre ses libertés avec le catéchisme européen ; pour cela, comme pour bien d’autres choses et même, par exemple…. pour les œufs. On sait depuis toujours (et on a, par le passé, bien conçu des mécanismes à l’égard des mouvements de prix de matières premières et produits alimentaires entre fournisseurs ACP et importateurs des PA) que la seule manière de gérer les crises de prix naissant des variations de niveaux de production, c’est d’obliger à des contrats pluriannuels de stabilisation/garantie sur la durée entre producteurs et grande distribution. Mais pourquoi n’avons nous pas le cadre législatif qui serait nécessaire ? Parce que c’est contraire aux principes concurrentiels de l’UE dont toute l’idéologie est la liberté des transactions ; à savoir l’empire, au sens exact du terme, de la spéculation.

Loin d’être un atout pour la France, dans tous les domaines – pour faire la bonne politique monétaire, pour restaurer l’emploi, pour doper sélectivement les activités en ayant besoin , pour se protéger des dumpings, pour satisfaire aux besoins de la Justice et plus généralement des services publics, pour régler les rapports entre producteurs et distributeurs, etc. - l’Europe actuelle ne cesse d’être un handicap pour bien traiter les problèmes des Français . Aux limites du supportable et dans l’incertitude des choix à l’égard des retraités dont le salut ne peut venir que de la restauration de l’emploi… S’il est vrai que le talent polémique d’un Mélenchon aboutit à mal poser les questions, il est non moins vrai que la gestion "socialiste" aux affaires de la France atteint dans bien des domaines les limites du supportable. C’est également vrai du fait des dérives de prix qui mettent profondément en cause les pouvoirs d’achat bloqués des uns et des autres (en particulier dans les fonctions publiques) bien au delà de ce que les stat. officielles font croire, et - bien pire - dans la perspective de (mal ?) rééquilibrer les comptes retraites, n’envisage-t-on pas de baisser (de l’inflation comme déjà et de bien plus encore) les prestations servies aux retraités ? En faisant passer ceux-ci pour les privilégiés relatifs de notre société ! Différemment, le vrai courage pourrait être d’allonger les durées de cotisations (sans tenir compte des démagogues, dont des syndicats, ne défendant que des actifs - loin de tous être dans la pénibilité… - voulant s’arrêter le plus précocement possible sans comprendre qu’ils creusent ainsi leur précarité de futurs retraités) ; en bref, ne vaut-il pas mieux – répétons-le - des retraités accédant un peu plus tard dans ce statut mais pouvant être bien soignés qu’une recherche d’un financement CSG susceptible, par ses ressacs, de mettre en cause les ressources du régime maladie (comme Le Guen l’a bien noté dans le "Le Parisien" du 16 Août) . D’autant que faire la peau de ce si coûteux régime maladie est bien l’objectif affiché par tous ceux qui - et ils ne lâcheront pas le gouvernement avant d’avoir eu satisfaction - expliquent que de vraies coupes doivent avoir lieu dans les couvertures sociales françaises pour assurer notre "compétitivité". Une rengaine - reprise par tous les commentateurs libéraux - est d’ailleurs de mettre en exergue un taux record français de prélèvements obligatoires. Raisonnement à la cuiller qui n’a aucun sens lorsqu’on n’indique pas d’une part que les prélèvements pour les services publics d’État sont restés très stables depuis des décennies, d’autre part que si la charge française est surtout imputable aux prélèvements pour les régimes de garanties sociales (maladie, chômage, vieillesse, etc..), c’est pour des services très conséquents qui n’apparaissent pas toujours de la même manière dans les comptes publics des pays étrangers comparés avec la France, parce qu’ils peuvent être construits selon d’autres formules. C’est d’ailleurs bien à certaines d’entre elles que l’on veut nous pousser : après avoir souligné que nos retraités étaient plutôt bien lotis ( !) le président du Medef ne vient-il pas de suggérer qu’il faudrait (alors qu’à titre complémentaire, il y en a déjà) construire une part de retraites par capitalisation (risques financiers de type américain inclus ?)

Quant à la compétitivité revendiquée elle reste impossible par rapport aux avantages comparatifs des pays à bas coûts de revient de l’Est et du Sud et n’a guère de sens au regard d’une comparaison avec l’Allemagne puisque celle-ci offre un « modèle » non seulement bien discutable, mais aussi inutile : il est aussi loin du nôtre que sont manifestement différents nos intérêts nationaux respectifs (ce qu’oublie toute naïve célébration du « couple » franco-allemand). De toute façon, aucune réforme des retraites ne peut trouver sa portée si elle ne peut s’appuyer sur la restauration de l’emploi (et, sinon, ce qui serait économisé en déficits retraites serait à peu près transféré en dépenses chômage, en particulier du fait des charges pour les seniors sur le sable).

Malgré « Moscoué », ne pas faire comme sous la République de Weimar

Or, cette restauration n’est guère lisible dans le frétillement de "croissance" (comme au temps de Jospin, les résultats économiques de la gestion socialiste dépendent tout entier de la conjoncture mondiale !) lequel, malgré « Moscoué » (Mosco jouant du Coué) n’affecte positivement ni les embauches, ni les investissements productifs. À notre sens, cette reprise de l’emploi français ne peut être obtenue qu’en sortant des pièges européens actuels, tandis que, quelque part dans la tête, on n’a pas dépassé les recettes de 1985/86 en comptant sur des emplois aidés ayant, certes en mieux, relayé les Tuc, mais sortis du même tonneau que toutes autres béquilles à l’emploi marchand.

Tel est le désert de la perspective économique et sociale. Ce n’est pas pour autant que, moi, je chasse sur les terres du FN ou que je me rapprocherais de lui ; non seulement parce son programme ne vaut pas un pet, mais parce qu’à l’égard des héritiers de l’immortel père Le Pen, j’ai conservé de ma jeunesse combattante la leçon de René Char : "on ne plaisante pas"- donc on ne fraie pas - avec des porcs". Ce qui me conduit à continuer à penser que la charge de la France a heureusement échappé aux mains de la droite contaminée par son extrême et qu’il vaut mieux, pour hier comme pour demain, qu’il en soit ainsi. Écoutons la triste leçon de la République de Weimar. C’est, du moins pour une part, la désaffection envers les socio-démocrates allemands, voire leur matraquage par d’autres gauches, qui a permis l’arrivée, et par les urnes, de Hitler au pouvoir. Ne minons pas, même s’il est insatisfaisant, le rempart social démocrate, encore que les titulaires du pouvoir devraient bien incorporer le fait qu’ils ont moins été choisis par les Français que ceux-ci n’ont chassé leur prédécesseur. Il leur adviendra de même si avant les échéances capitales, le caractère insupportable - oui insupportable - de trop de marqueurs de leurs conduites - ne porte à une crise salutaire obligeant à quelques aggiornamentos.

Un défaut majeur de références doctrinales, alors qu’une éthique de référence est à rebâtir dans le cadre d’un État Nation plus que jamais nécessaire

Il ne faudra pas, pour autant, les rechercher dans le vieux keynésianisme qui ne peut apporter de réponse technique dans une économie ouverte mondialisée. Les socialistes et sympathisants doivent savoir qu’ils sont encore plus orphelins de Keynes que de Marx. Leur problème intellectuel basique, face au triomphalisme du néo libéralisme, a été et reste de ne pas avoir cherché à exprimer une nouvelle idéologie. L’affichage en 2008 du ralliement du PS à l’esprit de Bad Godesberg [3] a ouvert un flou intégral, sans qu’on puisse savoir d’une part quel rôle revient encore à un État nation (et dans l’éventail des gauches, seul le M’PEP développe une théorie de la souveraineté nationale comme moyen du socialisme), d’autre part quels peuvent être les outils de la régulation. Le ventre totalement mou de la nouvelle « doctrine » socialiste s’est offert à la pénétration dialectique imparable de la pensée libérale parce que la nouvelle pensée n’en était pas une et qu’il n’y avait que du vide à remplir : il n’y a aucun point d’arrêt envers le marché, aucune indication de dosage entre les éléments que l’on prétend vouloir concilier, mais une simple intention de moralisation du monde tel qu’il est, alors que la droite offre aux insatisfaits deux types de réponses attractives apparemment antagonistes, mais en fait complémentaires : l’une est, dans l’axe de la pensée dominante, d’aller au bout de la logique libérale pour cueillir tous les fruits du système ; l’autre est, pour répondre à la soif de changement de ses victimes, de développer une demande de « ruptures » par laquelle de nouvelles droites déguisent ainsi en fait leur volonté par des stratégies du choc[4] d’en finir avec l’État providence.

Or, à notre sens, au plan sociétal, l’espoir que cet État a porté et les satisfactions qu’il a données ne peuvent être préservés et développées que par la consolidation du cadre et de la culture qui ont historiquement engendré ces acquis : ceux de la nation, périmètre dans lequel sont élus des responsables politiques devant avoir les moyens de leurs apparentes responsabilités. La rupture à concevoir aujourd’hui serait de retrouver, sans certains errements nationalistes et réactionnaires du passé, les vertus et les capacités d’une communauté nationale pour pouvoir faire face , et par un esprit de justice et de progrès, aux flux libéraux mondiaux de toute nature : ceux qui minent les sécurités de tous et qui imposent, par les dérégulations jointes de l’économie et des mœurs, et par le rejet de la fonction dirigiste – alors qu’elle est l’essence même de l’État - un modèle unissant logiquement libéralisme commercial et facultés illimitées de transgression des codes sociaux garantissant la cohérence et donc la capacité d‘autodéfense d’une communauté déterminée.

Il eut donc fallu se demander si le rôle d’un pouvoir d’État ne devait être reconnu comme à la fois d’une part celui de garantir la maîtrise de l’avenir économique aux hommes et aux femmes qui de tout temps, ou comme immigrés, vivent sur son sol et, donc solidairement, leurs chances de satisfaction sociale et, d’autre part, la mission d’assurer la prégnance d’un corps de règles permettant conscience et solidarité nationale dans le respect des différences : en contrôlant donc précautionneusement les effets de dissolution sociétale et morale que portent les pures idéologies de l’hédonisme (dont les valeurs dissolvantes sont à l’évidence la suprématie de l’individualisme, le principe de l’indifférenciation sexuelle, l’effacement du rôle premier d‘une cellule familiale, la domination du critère de la réussite matérielle personnelle, l’indifférence au destin collectif s’exprimant en particulier dans l’allergie à l’impôt et la recherche par tous les incivismes des itinéraires de fuites par rapport aux disciplines de la vie collective). Concevoir une rupture par rapport au fil de l’eau qui nous emporte – dans lequel s’expriment de la part des pourvus trois demandes majeures vis à vis des pouvoirs : réprimer les agressions, payer le moins possible, pouvoir accéder à toutes les jouissances (ce qui nourrit en complaisants échos les attaques et les programmes de la droite autoritaire libérale) - impliquerait de faire accepter dans un État-Nation une éthique de référence pouvant justifier des devoirs dont celui de sacrifier ses plaisirs et ses satisfactions personnelles à des intérêts collectifs. Difficile exercice devant se garder d’une mise en œuvre d’un État janséniste ou, pire encore, ressemblant à celui qui s’est dessiné en Russie depuis l’ère Poutine comme un mix d’oligarchie, de tyrannie de l’argent, de pharisaïsme et de pudibonderie répressive.

De toute façon, la contrepartie à faire valoir au regard des disciplines à faire observer est que les individus doivent alors être très bien soutenus contre les aléas économiques et sociaux, ce qui exige une autre stratégie économique. Or, pour la concevoir, il faut bien voir, comme je l’ai toujours dit, que nous ne vivons pas une "crise" conjoncturelle (qui serait devenue éternelle..) mais – sans qu’on puisse abusivement parler tantôt de « récession », tantôt de « croissance » -, selon cette fois la juste appréciation de Poutine, une « stagnation ». Une stagnation qui dure parce qu’elle est structurelle en tenant au piège - né du libre échange - de notre dépendance vis à vis de ceux des Émergents qui progressent surtout en fonction de leurs exportations (et parmi lesquels il faut placer les low cost countries de l’espace européen lui même si indument élargi) , soit que , de la sorte, cette prédation pompent les emplois de la vieille Europe occidentale, soit que les ralentissements que nous subissons , ou les reprises dont nous bénéficions, ne tiennent pas à nous mêmes , mais se trouvent être des sous produits des impacts des variations de balances commerciales de pays tiers dont, dans une économie ouverte globalisée - ce qui est l’insupportable donnée majeure à corriger - , les péripéties nous gouvernent obligatoirement.

Aussi longtemps que l’Europe ne se donnera pas une certaine capacité d’autonomie économique vis à vis de ces économies externes - en renonçant à la surévaluation de sa monnaie qui ne sert que les équations de type allemand , en cherchant ses équilibres et progrès plus par des échanges en son sein (où existent toutes les facultés complémentaires) que par le commerce international avec des tiers, en instaurant des protections envers les imbattables prix des économies de pays ignorant besoins de services publics, sauvegarde de l’environnement et garanties sociales (ce qu’aucune "compétitivité" n’est en mesure de compenser), en soutenant sélectivement par des aides significatives ( ce que ses principes actuels interdisent) des producteurs déterminés - cette stagnation perdurera alors même qu’on abandonnerait les politiques de rigueur.

Or, tandis que l’élection présidentielle aurait du offrir, pour la France du moins, ce type de réflexions, voire de choix - mais qu’elle ne s’est déroulée que sur des mots et sur des mythes, les silences du candidat - qui ne l’a emporté que par rejet de son concurrent - devaient bien laisser prévoir qu’il n’y aurait même pas d’essai de changement stratégique. C’est bien pourquoi il n’y a aucune raison d’être déçu (et même - tout en critiquant l’absence de recherche économique novatrice et bien d’autres choses - de rester, par défaut, satisfait que la gestion française ait échappé aux démons droitiers et aux injustices majeures qu’elle aurait pu connaître sous un autre président), car il était tout à fait prévisible que la ligne européenne - qui est le catéchisme hollandais - ne serait pas changée.

Si la France trouvait le courage d’indiquer une nouvelle voie, ce ne serait pas la première fois de l’Histoire où elle irait à contre courant de la pensée dominante. Depuis des décennies l’entêtement dans l’erreur est d’accepter et de soutenir la globalisation et la déréglementation, également d’admettre par principe - ou selon les intérêts d’une partie de ses dirigeants et privilégiés - qu’un pays comme la France n’a pas les moyens d’indiquer qu’il y a d’autres voies pour dessiner l’avenir de sa société nationale (et plus, celui de l’Europe et, de proche en proche, de parties du monde). Nous ne pourrions pas tenter de commencer, ici et là, à faire prévaloir un changement de paradigme parce que la pensée dominante y est contraire. C’est comme si, à la fin du XVIIIème siècle, s’était alors imposée à la France la conviction conservatrice immobiliste qu’il eut été impossible, alors, de faire la révolution des droits de l’homme et d’en disséminer les valeurs à travers l’Europe : parce que la pensée dominante était alors que le modèle monarchique (et en fait féodal, par la rente) était la règle de l’univers - comme aujourd’hui le modèle de l’ouverture libérale (et en fait féodal, en ce qu’il couronne les vainqueurs de la guerre... par les prix) est quasiment la pensée unique de la gestion universelle. Et ce fut, en Europe, la France seule - certes précédée par l’ouverture à l’américaine, du droit d’un peuple à se gouverner - qui créa et exporta un autre essai de modèle de société. Alors même que l’Histoire a terriblement fait payer ce changement et en a amorti et déformé les ambitions, ce rappel montre bien qu’être seuls à la pointe d’une transformation des modèles dominants n’est pas inconcevable et a été le bel exemple historique français. Personne aujourd’hui aux affaires ou prétendant y aller, ne s’en inspire et l’on nous affirme que le faire serait un déni de la puissance des rapports de forces. N’est-ce ainsi un "point de non retour" qui a été atteint ouvrant un fil de l’eau vers on ne sait quelles chutes ?

On ne veut plus, dans la société occidentale (comme dans celles du monde qui lui ressemblent peu à peu) émasculée par l’hédonisme, la consommation et le souci de sécurités, prendre aujourd’hui les risques de tenter d’aller un moment à contre courant, contre les nouvelles armées du néo libéralisme et des conjurés de l’Europe bénis par le FMI, comme celles des alliés contre révolutionnaires du dix-huitième siècle étaient bénies par la papauté. En effet dans la situation contemporaine, ni nos gouvernés ni leurs gouvernants ne sont décisivement portés à contester le système monde. Les premiers ont d’abord appréciés les casses de prix résultant de la mondialisation, avant qu’une minorité d’entre eux ne devienne victime des casses d’emplois qu’elle engendre, mais ces victimes n’ont guère d’influence sur le pouvoir parce qu’ils restent minoritaires. Quant aux gouvernants, ils ne veulent prendre aucun risque qui n’ait à leurs yeux quelques chances d’être bien dénoué avant de prochaines échéances électorales. Ainsi, les peuples finissant toujours par avoir les gouvernements qu’ils méritent, la situation ne pourrait être débloquée que si tout le monde se sentait menacé. Or, s’employer à que les menaces ne puissent devenir séismes est le job de toute la technostructure financière mondiale qui passe son temps, tout en jouant avec le feu, à chercher à conjurer les grand krachs ou, lorsqu’ils se dessinent, à les panser. Et le système monde parvenant à survivre inocule l’asservissement aux gouvernés et hypnose les gouvernants.

Ainsi atteint-on le point de non retour avec des conséquences paralysantes : il serait dangereux de se protéger sans souffrir de représailles ; il serait très difficile de restaurer des activités industrielles, etc.… Il ne reste qu’à gérer au fil de l’eau en tenant compte, au plan financier, des juges que sont les marchés, au plan politique, des passions xénophobes et racistes qu’engendre la situation, au plan pénal, de la vindicte qu’inspirent les délinquant et criminels, au plan sociétal, du désir de faire disparaître la notion de transgression derrière la mythologie de l’égalité, au plan social, du chantage légitimé à la compétitivité, au plan de l’organisation territoriale de la volonté d‘évasion des disciplines républicaines, etc. Quelle reste la portée de le distinction droite /gauche ? Et, si la stratégie n’est pas changée, que la gestion soit de l’une ou de l’autre, ne va-t-on vers les mêmes précipices ?

Une perte de sens du clivage droite gauche ?

Or, malgré le partage entre droite et gauche de gouvernement des « fondamentaux » constitutionnels (le présidentialisme majoritaire fondé sur le bipartisme et le refus de la Rp), stratégiques (l‘Europe, l’euro, le libre échange, la règle d’or), socio- économiques ( le rôle dominant sinon quasi exclusif des banques et de l’épargne privée pour financer les investissements et donc l’existence d’une répartition sociale obligatoirement très inégalitaire compensée, pour pallier le risque politique, par des systèmes d’assistance que tout pouvoir voudrait les moins coûteux possible), ceux qui passent pour les meilleurs intellectuels du temps[5] veulent nous donner à penser qu’il y a toujours une philosophie de droite et une philosophie de gauche : ils n’accordent en effet au thème « ni droite ni gauche » qu’une portée fasciste[6], d’où il résulte que ceux qui inclinent à faire des analyses et préconisations reléguant l’importance de ce clivage passent pour des traîtres auprès des idéologues (ou des encartés).

C’est sans doute parce que, dans les inconscients de ces derniers, ce qui est sociétal et culturel – là où l’esprit de gauche et celui de droite s’oppose le plus l’un à l’autre - est plus important que ce qui est social et économique – là où la gestion de gauche et la gestion de droite convergent - en bref, que ce qui est superstructures mentales est plus important que ce qui est infrastructures matérielles. On voit combien la pensée de gauche a dérivé du matérialisme historique et du combat social vers le nouveau structuralisme et les causes sociétales. D’ailleurs, sous un temps de gauche, il vaut mieux être bobo que métallo et l’exception culturelle est mieux protégée que la sidérurgie.

La mixité de mes valeurs

Or pour ma part, en ne voulant me ranger - alors que ces approches veulent tous nous ranger comme une assiette dans une pile – ni dans la pile de droite, ni dans la pile de gauche, je fais partie de ceux – sans doute très nombreux - qui ne sont pas fascistes, mais qui récusent désormais tout autre sens que stérile et dépassé à la division droite/gauche. Je ne me reconnais pas dans cette dichotomie car mes valeurs ou mes répulsions empruntent aux uns et aux autres. Oui, mes valeurs morales sont largement des valeurs de droite : je crois à l’honneur, à, la morale, à la famille, à la différenciation sexuelle, à la nation, à la responsabilité que nous donne le fait d’avoir eu un ancien Empire où tout ne fut pas l’ignominie coloniale, mais je pense qu’on ne saurait couvrir ce que fut celle-ci par la célébration des « bienfaits » des colonisations qui ont toutefois été des marches indispensables de l’Histoire.

Oui, mes valeurs sociales sont largement des valeurs de gauche : je crois à la justice, à l’égalité des hommes, des sexes et des races, à l’hospitalité nécessaire de la France, précisément dans l’axe de cet ancien Empire dont il fallait la décolonisation. Je considère, après des siècles de combats et progrès sociaux, comme une honte de laisser payer des salaires de misère pour être compétitif avec les concurrences et c’est pourquoi je crois qu’il vaut mieux alors des droits de douane. J’estime qu’on doit et peut concilier l’universalisme humain de la gauche et la protection de nos habitants par des accords interrégionaux commerciaux mondiaux assurant aussi le progrès des exploités du monde entier. Oui, je crois qu’il y a honte à, matraquer des gens et à accepter la promiscuité des prisons et que notre monde de la consommation et du luxe peuvent se payer, au prix nécessaire, malgré la nouvelle lutte contre les dettes souveraines, des budgets corrects de la sécurité et de la justice.

Oui, mes valeurs culturelles sont des valeurs mixtes : je crois autant à la fécondité de la discipline qu’à celle de la liberté. Il n’y pas d’art sans contraintes et sans règles, sauf que les hasards du "tout-permis" (lorsque la technique libère l’architecture et que la censure n’existe plus du tout) peuvent parfois ouvrir les facultés du génie, mais souvent, plutôt, en général les sottises et provoc. des culottés. Je crois qu’ « interdire d’interdire » fut une stupidité. Je crois, avec la droite, que la force d’une société exige qu’elle partage une éthique, mais je crois, avec la gauche, que cette éthique c’est avant tout la justice et la solidarité, qu’elle ne saurait faire des libéralismes de l’économie et des mœurs qui vont de pair des principes de progrès. Je crois aussi que l’on ne peut faire du pharisaïsme tantôt des uns, tantôt des autres un levier de ce progrès. Ainsi, alors que je pense que la liberté et l’identité des régimes juridiques des types d’unions sexuelles et de couples doivent être la règle, je crois qu’avoir - par confusion et sous pression de lobbies, ouvert l’adoption homosexuelle masculine – n’a aucun sens dès lors que des hommes ne peuvent porter un enfant, tandis que l’adoption lesbienne est tout à fait légitime, dès lors qu’une femme, elle, peut porter un enfant, si bien que je crois même autant la PMA pertinente pour les couples lesbiens que je suis défavorable à la moindre ouverture de paternité pour les couples masculins. Les sophismes de l’égalité ne sont pas mes guides. On voit combien ma ligne – je la sais nourrie d’affectivités et de traditions et non d’esprit libertaire que j’ai toujours répudié - est sinueuse entre les camps. J’ajoute que j’ai été choqué - sans être étonné par ces manipulations partisanes conduites par des ténors droitiers - que ceux qui, comme moi, se sont mobilisés contre le projet de loi permettant l’adoption par des couples gays aient été , pour cela, réputés appartenir à une droite engagée contre le président de la République ( auquel en l’espèce nous n’avons pas voulu faire tort politique, comme ceux qui attaquent tout ce qui se prétend « socialiste », mais que nous aurions voulu garder de commettre une erreur manifeste de jugement comme, en refusant un referendum, de se placer en défaut de comportement démocratique. Nous voulions lui éviter une ereur de plus après celles que nous avions, bien avant beaucoup, souligné sur ce site comme la gesticulation des 75%, l’incompréhension du besoin d’une tva sociale ou de quelque chose d’approchant, la fiscalisation si impopulaire des heures sup, etc.).

Oui, mes valeurs sont évidemment des valeurs nationales en matière économique, pour donner priorité aux intérêts de nos nationaux et de nos résidents assurant ou créant de l’emploi sur toute idéologie et sur toute décision ou organisation supranationale. Je suis bien, en tous domaines, le contraire d’un libéral, avec pour socle essentiel qui fait ma charnière logique entre l’économique et le social, mon constat sur les mécaniques d’investissement. Ou bien celui procède de personnes privées et il faut alors, pour que cet investissement ait lieu, suffisamment d’inégalités de revenus pour que les plus élevés de ceux-ci, à partir d’une capacité d’épargne que les plus faibles dédiés à la consommation ne peuvent avoir, nourrissent la propension à investir. Dans ce schéma, à travers toutes les filières connues de financement , toutes les variantes possibles (qui peuvent apporter un bémol si l’on parvient à construire un peu de capitalisme populaire et/ou de secteur d’économie coopérative et solidaire) , la réalité essentielle demeure que de profondes inégalités sont en général absolument nécessaires pour assurer l’investissement productif et, en conséquence, que la société inévitablement, parce que c’est vital pour son avenir, les produit, les reproduit et les fait prospérer de plus en plus. Il ne peut en être différemment que si une part significative des investissements productifs procèdent de la collectivité, que leur financement provienne de l’impôt, de l’emprunt, d’une monétarisation de la politique de développement ou de bons résultats obtenus par l’exploitation profitable d’actifs préexistants.

Les pierres de touche

L’État capitaliste – non par des nationalisations qui posent trop de problèmes de gestion, mais à travers une fonction de banque publique d’affaires devant avoir ses privilèges par rapport aux autres – est la seule manière de pouvoir un peu échapper - quoique ce ne soit pas garanti – à l’inégalité sociale comme moyen de l’investissement. C’est bien pourquoi, avec les charges sociales regardées comme des obstacles à la compétitivité, l’action capitalistique publique est la bête noire des libéraux qui ont poursuivi par tous les moyens (dont l’interdiction pour l’État d’aller à l’emprunt sans passer par les banques) la menace de voir naître et surtout réussir un État capitaliste (dont peut être la France et l’Italie ont été à certains moments de courts exemples). Ces observations rejoignent l’intuition marxiste opérationnelle fondamentale que la clef d’une révolution sociale est dans l’appropriation collective des moyens de production en tant que souches du pouvoir. C’est la vraie pierre de touche, économique du moins, entre la droite et la gauche. Au regard de cette pierre de touche et alors que j’ai exercé des fonctions de responsable d’entreprise sous contrôle d’État je suis incontestablement à ranger à gauche.

Au plan synthétique, je vois deux autres pierres de touche :
- Ou, comme Thatcher (et Lagarde) , on pense « TINA », qu’il n’y a pas d’alternative au libéralisme mondial et l’on est à droite, avec toutes les variantes possibles, mais indécrottablement soumis aux règles du jeu libéral : celui de gagner par les marges et, donc, par les économies de prix de revient, une mécanique qui tôt ou tard dévore les éventuels soucis d’équité et d’humanité ; où l’on espère que l’on peut trouver un autre ordre au monde et l’on est, indécrottablement aussi, à gauche …
- La dernière pierre de touche est, selon moi, la croyance ou non au progrès et selon cette pierre de touche, je ne sais, en vérité aujourd’hui, comment me classer. Croire au progrès c’est-à-dire estimer que l’histoire a un sens - et un sens positif - classe à gauche ; mais conduit à accepter les méfaits de cette Histoire, ce qui entre en conflit avec les valeurs d’humanité de la gauche. Accepter que l’Histoire n’ait pas de sens classe plutôt à droite, mais peut conduire à ne pas tolérer ou, pour le moins, à combatte ou à soigner ce que cette Histoire sans produit positif global, engendre comme méfaits : donc, autant qu’à tirer à soi les péripéties inhumaines de l’histoire ou à les provoquer dans son propre intérêt, ce scepticisme sur le sens de l’Histoire peut conduire à faire preuve d’humilité, de générosité, en bref d’humanité compatissante et à retrouver ainsi des valeurs morales de gauche (et celle de certaines religions).

Après avoir, à quasi quatre vingt ans, espéré que l’Histoire ait un sens, et rêvé, souvent avec déni de réalités, qu’on puisse en concilier la trajectoire positive et les péripéties inhumaines , je tends aujourd’hui à penser qu’elle n’en a pas. Voilà qui devrait aider à supporter le monde tel qu’il est : si le cours du monde semble, hélas, en définitive l’imbrication de hasards inéluctables, ne faut-il tout simplement, avec humilité, en gérer ou voir gérer les situations - dont les plus pénibles - le moins mal possible, tout en sachant qu’il est encore moins difficile, peut-être, de supporter le monde tel qu’il est si l’on reste à espérer que ses méfaits peuvent porter au progrès.

À ce point d’interrogations, je ne peux me classer et, pour autant, je crois que je ne trahis personne …sauf que, vraiment, sans être un homme de droite (aux partis de laquelle rien ne me lie que le souvenir un moment du gaullisme ) - à l’inverse de ce que l’on décrète souvent à gauche ( aux partis de laquelle rien , non plus, ne me lie désormais que l’aversion envers une certaine droite) - je ne peux pas comprendre que le clivage droite gauche puisse désormais faire véritablement sens.

Par contre le véritable clivage me semble entre ceux qui ont épousé le libertarisme liberticide – qui va dans l’histoire contemporaine des dérives de l’esprit 1968 à la déréglementation du monde et à toutes les « crises » ayant induit les suicidaires déséquilibres structurels contemporains – et ceux qui, selon une foi ou une autre, voudraient voir repris en mains par des États soucieux de justice les destins de communautés humaines aujourd’hui livrées à des courants de passions, de bruits et de fureurs ne menant nulle part. Entre les deux, il n’est que trop d’acteurs asservis par la gestion, aveuglés par ses dogmes et, le nez consciencieux sur des guidons qui sont leurs maîtres, menant les hommes à la servitude.

1. Au Canada, il a été jugé (cf. Le Monde , 11 janvier 2007) comme réalisant une discrimination indirecte la mesure ôtant le droit de fréquenter l’école publique à qui porte un signe original d’appartenance culturelle, dès lors qu’il y a un moyen « d’accompagnement raisonnable » permettant de concilier liberté de religion et principe d’égalité pour tous. Le Canada est évidemment, à la différence désormais de la France, un pays d’insertion plutôt que d’assimilation. 2. La présidente du HCI était très convaincue par une ligne écartant la discrimination positive : « Parce que, contrairement aux États-Unis, jamais la France n’a inscrit la ségrégation dans la loi. À l’exception de la parenthèse pétainiste, le droit politique républicain n’a admis à aucune époque que l’appartenance ethnique fût inscrite dans la loi comme critère discriminant. La Constitution française garantit à tout citoyen l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de religion ou de croyance. Le défi qui nous attend est donc, non de changer de modèle, mais d’aller au bout de notre modèle. Pour que la diversité devienne la règle, pratiquer des quotas, demander aux gens de se classer dans un groupe - ethnique ou religieux - est à la fois inutile et attentatoire à notre tradition. Quant à la sanctification des différences religieuses, elle conduirait la France à renier sa tradition propre ». 3. « Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux, qui a pour finalité la satisfaction des besoins sociaux. Le système voulu par les socialistes est une économie mixte, combinant un secteur privé dynamique, un secteur public efficace, des services publics accessibles à tous, un tiers secteur d’économie sociale et solidaire ». 4. cf. Noémie Klein 5. cf , in Le Monde du 17 août, entretien avec l’historien israélien francophone Zeev Sternhell, dont l’œuvre est consacrée à l’histoire du fascisme français qui estime que « dans le contexte français, historiquement et politiquement, l’expression " ni droite ni gauche " désigne l’émergence, au tournant du XXe siècle, d’une droite nouvelle dans ses concepts et ses méthodes ; d’une droite de combat ; une droite qui lance un appel au peuple contre la démocratie et contre les acquis des Lumières françaises. C’est la droite révolutionnaire. Le changement doit, pour elle, consister en une révolution politique et morale, mais non économique et sociale, une révolution qui ne brise pas la solidarité nationale. La nation doit rester une. Telle est l’infrastructure intellectuelle du fascisme. 6. Z. Sternhell poursuit ainsi : “De nos jours, la véritable signification du " ni droite ni gauche ", c’est toujours le refus de la vieille droite, le refus des valeurs économiques du néolibéralisme, de la compétition forcenée, de la vie sociale perçue comme un champ de bataille et de l’abandon de l’individu à son sort. Et, en même temps, on rejette les valeurs intellectuelles et morales des Lumières françaises qui sont associées à la gauche. Le FN entre en compétition avec la gauche non en appelant au changement des rapports sociaux, mais à la défense du moi national contre l’anti-moi, que représente l’autre, c’est-à-dire l’étranger. Le " ni droite ni gauche " du FN n’est rien d’autre que la nation envisagée comme un organisme, comme une communauté des défunts, des vivants et de ceux qui ne sont pas encore nés, une communauté de la terre et des morts, du sang et du sol. Et cette communauté est pour lui en danger. »

Le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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