Vingt ans donc que chaque année, l’Association d’amitiés franco-portugaise de Nemours organise chaque année une Nuit du fado. Association bien nommée puisque présidée par un français et vice-présidée par un portugais. Et un résultat impressionnant : l’association, qui compte 350 membres a attiré pour l’occasion 600 personnes dans la belle salle des fêtes nemourienne dans une ambiance conviviale bénéficiant d’une parfaite organisation.

Depuis 10 ans, l’association confie à Artur Caldeira, l’un des meilleurs guitaristes (viola) du Portugal, le soin de proposer un plateau d’artistes venus du pays. Artur (« les amis de Nemours sont devenus presque une nouvelle famille pour moi »), outre le fado, a une solide formation classique. Pour ce vingtième anniversaire, il a concocté un programme avec des artistes peu connus ici, hors Antonio Pinto Bastos, qui vient en France assez souvent.

Pour ouvrir la soirée la fadiste « locale », la nemourienne Cristina Rodrigues, nous a offert avec élégance trois fados avant de céder la place au premier des invités, Cristiano de Sousa, déjà venu deux fois à Nemours dans le passé. Il se situe d’entrée dans le sillage artistique de Carlos do Carmo (Un homen na cidade). Sourire engageant, tout en simplicité, il déroule un répertoire faisant la part belle au fado traditionnel, avec un détour par Coimbra (Fado Hilario), une prédilection pour les textes d’Ary Dos Santos, le tout avec talent pour celui qui est aussi parfois membre du groupe Orquestada. Il est suivi par la jeune Tania Oleiro, dont c’est à notre connaissance la première prestation en France. Elle convoque dans son répertoire une véritable encyclopédie des poètes et interprètes du fado (Fernando Pessoa, Linhares Barbosa, Jaime Santos, Beatriz Da Conceição…) pour terminer par le Lisboa antiga, créé par Herminia Silva et repris, entres autres, par Amalia Rodrigues et Lucilia Do Carmo. C’est dire si Tania Oleiro, qui a choisi délibérément un style castiço de la plus belle eau, a des références.

On change de style avec Diamantina, longue et belle dame, qui est aussi une présentatrice de télévision à RTP. Blagueuse, un peu à la manière d’Herminia Silva, chantant dans les medium, elle présente un répertoire très ouvert sur ce qu’on appelle parfois le fado de revista, allègre et rythmé. Un joli moment théâtral, au bon sens du terme, avec aussi des moments d’émotion (Voltaste, Boa noite solidão). La soirée se termine avec Antonio Pinto Bastos, qui se réfère beaucoup aux historiques « latin lovers » du fado, Tony de Matos et Tristão Da Silva. Il sait mettre la salle dans sa poche en reprenant des chansons qui font partie du patrimoine populaire portugais, reprises en chœur avec allégresse par les spectateurs.

Quelques mots sur les musiciens : Artur Caldeira est, on l’a dit, une référence. Il est aussi un peu le mentor du jeune Daniel Paredes, qui a tenu la guitare basse avec efficacité. Pedro Castro, jeune lui aussi, mais bien connu dans le milieu musical du fado lisboète, avait la lourde tâche de suppléer José Luis Nobre Costa, l’une des références historiques de la guitare portugaise, empêché par de sérieux problèmes de santé (Antonio Pinto Bastos lui a rendu hommage en interprétant un fado de sa composition). Mission accomplie avec un brio décontracté.

Une remarque pour finir : après les prestations de Carminho et de Cristina ces derniers jours, celles de Tania Oleiro et de Diamantina avaient un point commun avec elles : pas de xaile. Voilà qui ne plairait pas à un estimé confrère, défensuer intransigeant du xaile pour les fadistes. Et Diamantina aggravait même son cas, chantant en pantalon. Qui lui allait à ravir.

Article également paru dans Lusojornal