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APRES LA DEROUTE DU HOLLANDISME

jeudi 12 juin 2014
par  Gérard Bélorgey
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Depuis, déjà, bien plus d’un an, nombreuses étaient les voix (dont la mienne) qui mettaient en garde le nouveau pouvoir sur ses causes d’impopularité : de son impopularité dans l’opinion "modérée", non seulement parce qu’il se revendiquait du "socialisme", non seulement par des allergies fiscales, mais à raison aussi de la manière dont avait été conduite des réformes de "société" en ce qu’elle choquaient souvent moins par leur contenu que par leur procédure parlementaire et par le tapage dont certains les entouraient, en inspirant le sentiment, fondé ou non, qu’on allait à de nouveaux paradigmes en matière de modèles sexuels et familiaux, ce que la droite a su exploiter avec succès et ce qui est un facteur évident, quoique rarement indiqué, dans les défaites municipales en France profonde ; de l’impopularité de ce même pouvoir (qui les a cumulées) dans l’opinion réformiste à raison des reculs successifs et significatifs (sur l’esprit de la construction européenne, en politique économique, bancaire et fiscale, etc.) par rapport à la ligne annoncée au cours de la campagne présidentielle. Il n’en fut surtout conservé que ce qui pouvait déplaire (et comme précité, en matière sociétale, même à des gens de gauche), et ce qui portait atteinte à des rémunérations salariées modestes (comme la réforme des heures supplémentaires, n’ayant de plus pas créé d’emplois) ; puis vinrent les inquiétudes suscitées (et même des atteintes réalisées) sur le niveau des rémunérations, des retraites, sur la continuité des protections sociales par la ligne social-démocrate à l’allemande et puis, plus franchement libérale au nom de l’emploi par le président.

Bien évidemment, celui-ci ne pouvait pas obtenir des résultats en moins de deux ans, compte tenu, c’est vrai, de la très mauvaise situation dans laquelle il a trouvé le pays, mais compte tenu également des erreurs de diagnostic de sa gestion inspirée par l’idée d’une crise à surmonter alors qu’il s’agit d’un système à transformer par un autre rapport, plus original, à l’Europe.

L’activité française toujours insuffisante ne pouvait être régénérée par des politiques de réduction de la demande partout simultanément conduites en Europe, mais aussi et surtout (parce qu’on ne peut pas croire en économie ouverte au bon fonctionnement des seuls schémas keynésiens qui inspirent de mauvaises idées de politique alternative à une part de la gauche de la gauche) du fait de tous les autres handicaps résultant du piège européen : fondamentalement, un euro sur évalué et une toute-puissance sans garde fou politique de la BCE obligeant les états emprunteurs, sous les fourches caudines des agences de notation, à passer par les banques privées, une BCE dont les effets d’intervention ne laissent aucune latitude à une politique nationale non seulement monétaire, mais, par ricochet , dans bien des domaines ; la tutelle budgétaire de Bruxelles sur la France décrédibilisant les autorités françaises ; la leçon permanente d’un besoin de réformes allégeant drastiquement les coûts du travail et des services publics et sociaux faisant que bien des acteurs économiques affidés à cet esprit n’ont rien fait, ne font rien avant que ne viennent pleinement ces ruptures avec notre modèle social ; l’obligation européenne que nous satisfaisons allègrement de ne pas "fausser la concurrence" en gaspillant les trois quarts des aides distribuées aux entreprises puisque seules celles directement soumises à la compétition internationale, en ont vraiment besoin ; la prime à engager des travailleurs étrangers low cost plutôt que nos travailleurs sous nos garanties sociales ; les dumpings que nous subissons au sein de l’Europe de la part des partenaires qui font (et de longue date) de la déflation salariale et de l’exploitation de salariats asservis ; les autres dumpings que nous subissons dans tous les secteurs et dans toutes les gammes de produits de la part des low cost countries externes, puisque l’Union vit dans la religion de l’ouverture (laquelle, combinée avec la devise forte, est d’abord au service des exportations à haute valeur ajoutée des économies de modèle allemand et la raison majeure du déséquilibre commercial français vis à vis des pays émergents), une idéologie dont le but est de rendre intenables les progrès sociaux , sous l’écrasement par les concurrences internationales et qui va continuer à triompher, après bien des accords meurtriers de zones de libre échange, avec le redoutable (et caché) pacte transatlantique avec les États-Unis, pays dans lequel la protection sociale est bien inférieure, à la nôtre).

Mais pour François Hollande, l’Europe est sacrée et il est douteux qu’il entende la leçon des municipales et des européennes (puis celle des intercommunalités que va perdre automatiquement le PS, des régionales, et plus tard sans doute, la leçon des élections au Sénat), comme une invitation à enfin essayer, avec énergie, de changer l’Europe, ou plus, puisqu’il n’aura jamais, aucune propension à en sortir, à savoir au moins lui désobéir. Comme l’indiquait déjà un certain nombre de déclarations de l’entourage, comme en atteste, à l’instant même, la nomination de Valls comme premier ministre, il ira plutôt vers l’accélération et l’approfondissement des "réformes" (c’est à dire à continuer à essayer de réussir ce dont avait parlé son prédécesseur sans parvenir à le faire lui-même) avec quelques pansements pour les consommateurs et les ménages et l’espoir qu’un ex-monsieur sécurité comme chef du gouvernement lui apportera des voix de droite.

Sauf si cette attitude, après quelques coups de théâtre, débouchait sur une nouvelle majorité, recentrée, elle conduira, après une très difficile seconde partie de mandat, à la confrontation classique de la présidentielle. Au nom du PS, François Hollande pourra-il-encore une seconde fois être candidat ? Lui-même (et il faudrait alors qu’il fasse croire qu’il est le rempart de la justice contre les droites), ou qui sera candidat à gauche affrontera alors au final un candidat de droite qui sera un homme de la famille UMP (qui est le vrai parti vainqueur des municipales et parce qu’il reste tout à fait douteux qu’une première place à droite puisse, à la présidentielle, être prise par le FN). Ce candidat fort de la vague bleue, essentiellement produite par des abstentions à gauche et, au second tour, par quelques reports des électeurs FN, ira forcément à la recherche des voix de ces derniers. Un schéma connu, sans que, probablement, le FN ait pu véritablement casser la bipolarisation institutionnelle.

Ses mécanismes sont dans nos scrutins majoritaires superposés ; ses ressorts sont dans le jeu d’essuie-glaces, d’essuie-pleurs auquel s’adonne l’électorat flottant. Insatisfait de Sarkozy, il donne, par défaut, la présidence à Hollande. Fâché par Hollande, soit à droite, parce que celui-ci a trop réformé dans le sens de la justice et pas assez et vite réformé dans le sens des allégements de charges, soit à gauche parce que le président a trop réformé, fait ou envisagé de réformer dans un sens "favorable aux entreprises" et pas assez réformé dans un sens qui libérerait des excès handicapants de contraintes européennes, garantirait mieux les acquis et les besoins sociaux, il est tout à fait capable de redonner le pouvoir à celui dont il ne voulait plus... à lui, ou à, son double.

Tous les deux ont échoué : parce qu’ils sont les exécutants du régime institutionnel bipolarisant, ce qui doit conduire à ne pas relâcher le réflexion sur le besoin d’autres institutions ; parce qu’ils sont les exécutants de l’ordre libéral de l’européisme uniformisé (la régression sociale compétitive) alors qu’il y a place pour un modèle français original (la capacité concurrentielle dans le progrès social) dans une Europe différente et plus souple (et que sa rigidité - dont celle de l’euro - ne peut faire un jour qu’exploser)

"Le changement" (dont on ne parle plus) "dans la continuité" (à suivre)

Comme un certain nombre de gens, François Hollande a-t-il lu les messages issus des urnes à l’envers ? A-t-il satisfait les gens qui le détestent et désespéré ceux qui voudraient pouvoir encore croire un peu en lui ? Il faut penser qu’il a feint de lire ces résultats essentiellement comme un message de droite (qu’il prendrait largement en compte pour dresser un décor de chance pour sa politique économique euro-libérale), et accessoirement, comme un message de gauche (qu’il prend pour une toute petite part en compte, en se disant que, de toute façon, sa gauche est obligée de se rallier in fine à lui) : et cela dans le but très clair de nommer un premier Ministre de sa préférence capable à ses yeux de gymnastique musclée entre les deux fausses fenêtres de la construction présidentielle, le pacte de responsabilité et le pacte de solidarité, sorti tout improvisé d’une nuit de débâcle. Non, François Hollande n’est pas contraint du tout, il est, comme toujours, très content de lui. Puisqu’il a semblé mou (et que c’est faux car il est entêté), il envoie son "dur" au combat (espérons que celui là saurait aussi mieux secouer l’Europe pour en faire bouger les lignes). Et il est d’autant plus content que, malicieux comme il est, il sait bien qu’un premier Ministre (surtout de caractère) n’a jamais eu, sous la Vème République, l’occasion de devenir rival gagnant du sortant du même camp, les chefs de gouvernement (Chaban, Chirac 81, Rocard, Balladur, Villepin) se faisant généralement brûler en chemin. Le jeu d’échec se joue loin en amont.

Alors que ce sont les abstentionnistes qui ont donné la victoire à la vague bleue UMP ou « marine », et que le président a reçu comme message une sanction voulue par l’électorat de gauche (soit que celui ci pour une bonne part ne soit pas allé voter, soit qu’il ait voté FN), ce président, en apparence, a agi comme si la vague bleue, avec des crêtes bleue marine, comme si ces droites avaient triomphé par elles-mêmes et comme si elles devaient donc être entendues. Dans ce cas, il aurait fait du Guy Mollet ("je suis leur chef, donc je les suis") au second degré. C’est ce dont il paraît attester en prenant un chef de gouvernement dont le fond programmatique fut proche de celui de l’UMP et dont le style ne peut empêcher de penser à celui d’extrême droite. Or, François Hollande sait bien que le message des droites est toujours stable (de haine envers qui s’inscrit dans un socialisme quel qu’il soit) et qu’on ne peut donc rien attendre de leur donner satisfaction. Il sait aussi que le message des gauches est, comme toujours, un message affectif, contraint et compliqué qui laisse place à la manœuvre, aux pressions utilisables pour retenir un parlementaire, et plus encore un ministre, parce que le premier ; pour être réélu, ne peut se dispenser d’avoir son assiette dans le camp présidentiel, et que le second aime bien se faire resservir la soupe, même s’il a plaidé pour une autre.

À ceux qui ont voté PS, parfois non sans mal, le président voudrait-il faire sentir que "rien n’est perdu", car il croît au succès de sa voie ? À ceux qui se sont abstenus, il dit en quelque sorte : "vous avez fait défaut, je nomme qui vous n’aimez guère ; bien fait pour vous" et ne venez pas pleurer sur les boucs émissaires que je vais devoir offrir à l’esprit de droite (si présent dans le pays, et à son sommet) : les demandeurs d’asile, les immigrés en situation irrégulière, les plus vulnérables des administrés mal desservis par des services publics à réduire, les "bénéficiaires" de l’aide sociale souvent mal couverts et mal défendus, les assurés sociaux qui pourraient payer plus, les fonctionnaires qu’on désignera en surplus ou dont on fera des contractuels, les universités non rentables, les chercheurs ne trouvant rien d’utile, les agriculteurs ruinés par la concurrence de nos voisins et par la grande distribution, les chômeurs trop bien longuement indemnisés, les retraités privilégiés et j’en passe

Bricoles tout cela au regard de mon ambition : redresser la France dans l’Europe telle qu’elle est et conformément à ce qu’elle offre comme modèle et à ce qu’elle exige. Il a déblayé le paysage pour quelques temps, convaincu que la stratégie d’austérité paneuropéenne finira par valider sa ligne économique et par le faire gagner, fut-ce au prix de lourdes régressions sociales de type grec ou espagnol, assorties pour quelques uns de pansements à l’italienne.

Nous ne partageons pas - on le sait - cette doxa à la fois optimiste et résignée. À nos yeux, la France est incapable de rentrer dans le modèle de la compétitivité à l’européenne et c’est bien : parce qu’elle peut faire beaucoup mieux par la construction d’une capacité concurrentielle originale française, sur les caractères et moyens de laquelle nous reviendrons. Mais indiquons d’emblée que cette voie commence, d’une part, par prendre distance vis à vis de l’Union, par récupération d’exercices de souveraineté, d’autre part, que de même qu’un "redressement" au sein de l’Union et selon ses critères et méthodes l’exigerait, la construction et la conduite de ce modèle de capacité concurrentielle nationale, exigera des efforts significatifs, mais des efforts étant le prix d’achat d’atteindre l’objectif de maîtriser notre destin. Voilà ce qui devrait emporter l’adhésion de tous ces Français qui constatent aujourd’hui que tout ce qui est déterminant se décide en dehors d’eux et ce qui devrait nourrir un souffle national inspiré par le défi de redevenir responsable de nous-mêmes, ce souffle que ne saurait insuffler le suivisme de Merkel, de la BCE et de la Commission. Après une nouvelle sanction du pouvoir et des candidats au "parlement" de l’Union, par le boycott des élections européennes, puis après une nouvelle phase du hollandisme qui ira sans doute, et malgré le soutien des élites et des médias économiquement et politiquement corrects, à des impasses connues, les conditions d’un dépassement de l’européisme pourraient peut-être s’ouvrir.

Le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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