KATIA GUERREIRO, L’AMALIENNE
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C’est dans la salle du Palais des Congrès de la Porte Maillot que Katia Guerreiro a fait sa rentrée parisienne. On sait le parcours de Katia : née en Afrique du Sud voilà 38 ans, enfance et adolescence aux Açores, découverte du fado lors de ses études universitaires à Lisbonne, médecin, début de sa carrière internationale ici même, à Paris, une ville pour laquelle elle ressent une affection particulière. Elle l’annonce d’entrée de jeu, dans un joli français : ce concert est une transition, un au revoir à son œuvre passée, dont elle nous donnera de nombreux aperçus, une introduction à son futur, en présentant des thèmes de son nouvel album, Até o fim, qui sera disponible en France au printemps.
Elle se présente avec, comme toujours, des musiciens d’exception, Pedro de Castro et Luis Guerreiro (sans lien de parenté) aux guitares portugaises, le jeune Francisco Gaspar à la guitare basse, et l’inévitable João Veiga à la viola, compagnon de toutes les aventures musicales de Katia, joyeux boute en train d’une équipe qui ne boude pas son plaisir d’être là, et architecte souriant mais vigilant des accompagnements musicaux.
Katia a adopté une nouvelle coiffure, qui lui sied, faite de mèches savamment décontractées, qui rappelle un peu Amalia. Elle a affiné encore une gestuelle devenue plus sûre, plus dramatique, à des lieues des petites et gentilles gaucheries de ses débuts. Une gestuelle qui rappelle Amalia. Et puis la voix. La grande Amalia Rodrigues a pesé, de façon parfois écrasante, sur les interprètes féminines du fado, qui ont presque toutes puisé dans son répertoire. Certaines ont essayé de s’inspirer de ses dons vocaux, avec des résultats mitigés. Car rares sont les fadistes d’aujourd’hui qui disposent d’une tessiture comparable à celle de la grande dame. A vrai dire, parmi les fadistes de renom actuelles, nous n’en connaissons que deux : Mariza et, bien sûr, Katia Guerreiro.
S’inspirer d’Amalia, c’est bien. Le faire en gardant, en approfondissant même sa propre personnalité, c’est mieux. Et c’est ce que réussit Katia Guerreiro. Certes, elle reprend certains thèmes célèbres (Amor de mel, amor de fel…) d’Amalia, et même deux de ses poèmes, dont un inédit, Quero cantar para a lua, jamais chanté, mis en musique par Pedro de Castro. Mais elle fait appel pour certains thèmes à des poètes de son temps, Rita Ferro, l’açorien Rui Machado, Vasco Graça Moura, Paulo Valentim, ce dernier également compositeur et éminent guitariste. Elle offre un subtil bouquet de fados traditionnels, de ballades, dont Até o fim, la chanson titre de son nouvel album) composé par João Veiga, et celle composée par elle-même, sa première composition, paroles et musique, dédiée à sa fille (deux ans) et chantée à capella. Résumons : si l’esprit d’Amalia est bien présent, si Katia Guerreiro est certes une Amalienne, sa personnalité ne souffre en rien, au contraire, de cette rencontre. Elle est parvenue à une maturité artistique impressionnante, qui ne lui enlève pas sa spontanéité, sa simplicité, et sa générosité dans l’amitié. En temoignera le très émouvant hommage rendu à José Renato, décédé cet été, qui fut son imprésario en France et plus encore son ami, nous le savons pour avoir eu la chance et le plaisir de connaître José Renato, et de parler de lui avec Katia Guerreiro.
Un très beau moment, donc, et, espérons-le la promesse d’un nouveau rendez-vous à la sortie d’Até o fim, au printemps.
Texte également paru dans Lusojornal (lusojornal.com) le 17 décembre 2014
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