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GISELA JOAO A PARIS : MAITRISE, SOURIRE ET EMOTIONS

jeudi 6 juin 2019
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 1%

La revoilà ! Préparez vos plus belles tenues, mais décontractées car la dame est loin d’être collet monté, travaillez vos plus beaux sourires, car vous en aurez beaucoup après trois ans d’absence auprès du public parisien, Gisela João revient. Bien sur, elle avait depuis son concert à l’Alhambra fait le bonheur de plusieurs cités de nos belles provinces. Mais vous connaissez les parisiens : en matière de spectacles, ils sont plus favorisés que partout ailleurs sur le territoire, mais il leur en faut toujours plus. Et trois ans sans Gisela, c’est dur. En tout cas c’était dur pour moi.

Au cas où vous l’avez oublié, Gisela João, c’est fado, et très fado, ce qui ne l’empêche pas à l’occasion d’aller voir ailleurs, chez le grand Cartola au Brésil, chez Piaf ou Brel ici. C’est très fado, mais en en cassant certains codes. Vestimentaires d’abord, pas de xaile, plutôt pieds nus ou baskets qu’escarpins, robes souvent blanches et plutôt courtes et pas noires et longues.

Dans l’attitude aussi : elle chante parfois assise, danse sur certains fados. De quoi indigner les prétendus puristes, ce qui n’a pas d’importance. Car l’essentiel, c’est que Gisela João est une grande fadiste, capable d’intenses émotions comme d’éclats de rire. Et, dit-elle, les mots d’un fado n’ont pas de vêtements particuliers (l’un de ses albums est intitulé Nua), ni d’ailleurs de sexe, ce qu’elle illustre en reprenant dans son répertoire quelques fados jusque là chantés uniquement par des hommes. Le principe de liberté est très fort pour Gisela João, il rejoint ce que nous disait sa consœur en fado, pourtant si différente dans son style, Carminho (« le fado ne m’enferme pas, il me libère »).

Avec sa voix un rien voilée, mêlant sensualité et ironie, Gisela aborde toutes les époques du fado avec la même gourmandise, faisant la part belle au fado castiço, sans oublier les marchas ou les viras de son Minho natal. Le tout repris souvent avec des textes contemporains (Aldina Duarte, Capicua, Ana Sofia Paiva…) sans oublier les poètes consacrés, de Linhares Barbosa à Ary Dos Santos. Et son éclatant sourire, fière de ce qu’elle nous donne, et l’air malicieux d’une petite fille qui nous aurait joué un bon tour. Voilà donc ce qui nous attend le 25 mai prochain au cœur de Montmartre, sur la scène du Théâtre des Abbesses. Elle y sera accompagnée par ses musiciens de cœur : Ricardo Parreira, fils et frère de guitaristes, à la guitare, précis, attentif, impavide, et les jeunes Nelson Aleixo (viola) et Francisco Gaspar (viola baixa), qui vient de faire un tabac voici peu à Paris avec Katia Guerreiro puis Carminho, les mêmes qui, voici quatre ans l’accompagnaient déjà au Théâtre de la Ville, lors du premier grand concert à Paris de Gisela.

Le concert

Quand les lumières nous font découvrir la scène, apparait, au fond, un mur argenté ondulant, évoquant tantôt l’eau, tantôt le feu, au gré des éclairages. Côté jardin, comme disent les théâtreux, c’est-à-dire à gauche vu de la salle, une élégante méridienne, ce genre de canapé qui fit florès dans les boudoirs des élégantes d’antan, où Gisela viendra s’assoir (et même fugacement s’allonger) dans les moments d’émotion ou quand elle nous adresse des commentaires. A côté, un énorme et très coloré bouquet de fleurs posé sur un tabouret. Les trois chaises prévues pour les musiciens s’égrènent jusqu’au côté cour (vous avez deviné, à droite vu de la salle).

Les musiciens viennent les occuper, Ricardo Parreira, impavide, à la guitarra, Francisco Gaspar, détendu, à la guitare basse, et Nelson Aleixo à la viola, concentré. Quelques mesures d’introduction sur la musique du fado ginguinhas, et Gisela João entre avec Labirinto ou não foi nada, poème de David Mourão Ferreira, l’un des paroliers préférés d’Amalia Rodrigues. Talons aiguilles, élégante et (très) courte robe bleu nuit, « A Paris, je me sens très chic », dit-elle. Suit O mundo é um moinho, l’une des compositions les plus connues de Cartola, l’un des pères du samba moderne, que Gisela transforme en un beau fado. Suivront des titres issus de ses deux albums, avec au final peu ou pas de nouveautés, mais qu’importe.

Car Gisela demeure à la fois fidèle à elle-même (sensualité gentiment provocante, belle voix grave un peu voilée, n’hésitant pas à danser des fados allègres ou des chansons du folklore de son Minho natal), à ses musiciens, à son répertoire et capable d’évolutions fécondes. Ainsi, plus de baskets aux pieds, et elle quittera peu ses talons aiguilles pour chanter et danser pieds nus. « Mais ça dépend des soirs », nous dira-t-elle. Peut-être une conséquence du « chic » parisien ? Moins post-ado, plus réfléchie encore, car elle n’a jamais cessé de l’être. Son côté petit lutin s’est assagi. Il est vrai qu’un petit lutin en escarpins, ce n’est pas commode. Nous avons aussi ressenti que son expression des émotions avait gagné en intensité. En témoigne, entre autres, son interprétations de Maldição, un des grands succès d’Amalia sur une des plus belles musiques du fado, le fado cravo dû à Alfredo Marceneiro sur un poème du dramaturge Armando Vieira Pinto. Il y a deux façons de chanter Maldição : soit le chanter « comme Amalia », et le résultat, même s’il est techniquement parfait, n’atteindra jamais la qualité d’Amalia, soit le chanter comme un fado cravo, comme s’il était nouveau. Ce que fait Gisela, qui confiera « Pendant trois ans, à la maison de fado Senhor Vinho, je l’ai chanté tous les soirs. Après, j’étais fâchée avec, je n’en pouvais plus. Ce n’est que cette année que j’ai fait la paix avec Maldição ». Et le résultat est somptueux, c’est un nouveau Maldição, qui nous étreint d’émotion. Autre grand moment, son interprétation, en espagnol de La Llorona, créée par la chanteuse mexicaine Chavela Vargas (1919-2012), que Gisela admire beaucoup et qui, la première imposa des voix féminines dans la chanson mexicaine et connut une vie mouvementée entre combats féministes, problèmes d’alcoolisme, multiples amours avant de devenir sur la fin de sa vie l’une des inspiratrices du cinéaste espagnol Pedro Almodovar. Comme c’est le cas pour O mundo é um moinho, Gisela en fait un fado, poignant.

Rires aussi, avec O Sr extraterrestre, composition de Carlos Paião (auteur et interprète prolifique mort à 30 ans dans un accident automobile) chantée jadis par Amalia, ou A (nova) casa de Mariquinhas ou Noite de São João sur de piquantes paroles de la rappeuse Capicua. Gisela João suit sa route, soucieuse avant tout de son indépendance, un peu à la façon de son aînée Misia. Et suivre la route de Gisela, c’est un bonheur.


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