LETTRE OUVERTE AUX GENS COURAGEUX
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Il ne se passe pas un jour sans qu’un théoricien de haut vol, un responsable politique ou (et) patronal ne se croie contraint de nous exposer doctement tout le bénéfice que tirerait notre société si chacun d’entre nous travaillait plus. Depuis que ceux qui ont la chance d’avoir un emploi peuvent n’effectuer que trente-cinq heures hebdomadaires, nous ne serions plus capable de produire suffisamment et nous sombrerions tous dans une oisiveté négative.
Et surtout n’allez pas dire qu’il y a autant de millions de chômeurs que par le passé, si vous ne le savez pas, c’est justement la preuve de l’échec des trente-cinq heures ; il y a autant de chômeurs que par le passé, de plus en plus de retraités et ceux qui travaillent, travaillent moins longtemps, comment voulez-vous que ça fonctionne ?
Ne vous risquez pas non plus à proposer une théorie de production, ne dites surtout pas que ce phénomène pourrait venir d’une augmentation de la productivité de chaque individu, si vous pensez çà, vous n’êtes pas sérieux ! Et pourtant ...
Voici déjà plus d’un siècle, un théoricien très peu sérieux (il fut même marxiste au point d’en épouser la fille) publiait un petit pamphlet que chacun de ceux d’entre nous à qui le courage fait peur devrait se détecter de lire prochainement. Il s’appelait Paul Lafargue, fut l’un des fondateurs du parti ouvrier français avec Jules Guesde, député socialiste du nord pendant huit ans (c’était au 19e siècle). Son "oeuvre courageuse" s’intitule Le droit à la paresse. Cette interrogation reste d’actualité : mais qu’est-ce qui nous pousse à vouloir produire toujours plus ?
Hé oui, monsieur Sarkozy, madame Parisot et autre baron Seillière, mon petit doigt me dit que vous avez tort de vouloir que plus de gens travaillent plus pour vous, mais est-ce vraiment ce que vous souhaitez ?
Imaginons seulement une seconde 3 millions de chômeurs qui travaillent à plein temps auxquels il convient de rajouter toute la population de 60 à 65 ans que vous souhaitez remettre au travail, soit pas loin de 3 millions de plus, sur la base de 40 heures par semaine pour rester modeste et " dynamique " à la fois : ceci nous donne dans l’absolu pas moins de 240 millions d’heures hebdomadaires (faut-il vérifier ? Faut-il pondérer ?). Si ce nouveau temps de travail global ne suffit pas pour la production, alors imaginons d’augmenter la durée hebdomadaire des actifs actuels de 5 heures, je vous laisse le soin de calculer.
Je vous propose humblement de pousser quelque peu votre analyse : osons imaginer que tout ce travail se fasse au montant du salaire minimum garanti. Ce serait une "grande réussite économique", une augmentation énorme des profits escomptés, plus de trou de la sécurité sociale, des entrées fiscales directes considérables sans parler de la TVA bref, une merveille de relance.
Ne resterait sûrement qu’un seul point noir pour lequel je ne dispose d’aucune solution : que ferait-on de toute cette production et va-t-on trouver les énergies nécessaires à celle-ci (je ne parle pas des énergies humaines mais de celles qui polluent) ? Comme aurait dit Coluche confiez leur le Sahara et dans 5 ans ils vous achètent du sable ! Il semble bien réel que le capitalisme devient sénile (de Jean-Marie Harribey aux éditions du Passant)
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