BANLIEUES BLUES
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Je ne parlerai pas de discrimination raciale ou d’intégration, mais d’incrimination raciale et de désintégration. L’incrimination raciale, pour moi, c’est le regard du monde sur ceux qui sont comme moi. J’ai régulièrement du montrer patte blanche, argumenter, démontrer que je n’avait pas fait mon éducation sexuelle dans une cave, que je ne passais pas à la violence quand j’étais à bout d’arguments. C’est aussi le sac à main que l’on serre fort contre soit et ce regard perçant fait de jugement et de désapprobation sur la promiscuité entre eux et moi. Sans les rencontres merveilleuses de mon existence, qui serais-je aujourd’hui ? Avec tout les « c’est du travail d’arabe, bougnoule, crouille, raton, t’es pas chez toi, minorité visible, oueche, français de papier, beur et les toi c’est pas pareil », comment ai-je pu conserver mon sang froid ? Par ce que je suis pareil ! Bouillonnant et passionné par la vie et ma place au soleil. Qu’avez-vous fait du monde ? Où mènera l’absence de vigilance de ceux qui nous ont précédé et dont les survivants verrouillent l’ascenseur social parce qu’on n’est pas comme eux.
Oui, on n’est pas comme eux, sclérosés dans une France, qui meurt de ne pas cultiver sa jeunesse, parce que la loi ne leur permet pas de trier les individus autrement que par l’argent, comme si nous étions des globules noirs et qu’ils ne voulaient que du sang bleu. Aussi stupide que les « racailles », ces hommes en gris brûlent le monde, pour le profit, le bénéfice et des raisons qui m’échappent sans doute. Comme si, après eux, rien n’importait, que leur lignée n’était pas soumise à la même fin du monde qu’ils nous préparent. En attendant un monde sans eau, sans air, sans oiseaux ou poissons par ce que pas humain, là, les derniers hommes, se regarderont avec une tristesse infinie en se disant : « qu’avons-nous fait ? ». Eux ? Rien infiniment rien, mais nous, chaque jour nous vandalisons le monde avec nos voitures, nos déchets et acceptons que d’autres fassent pire, pour nous fournir la possibilité d’être leur complice.
Tout se paie ? Le crime ne paie pas ? Faux et archi faux ! Ceux qui souffriront le plus de nos abandons ne sont pas encore nés. Alors, ceux qui nous ont mis dans cet état disparaîtront sans vraiment avoir compris le temps qu’ils ont vécu égoïstement : après moi le déluge ! Profite, racaille à col blanc qui dit « ils ont brûler des voitures ». Et vous, vous brûlez le monde toute l’année ; il agonise et l’addition, comme l’économie, sera globale.
Quels étaient mes rêves ? Je ne m’en souviens plus, ils ont été écrasés par notre réalité, je peux, comme dit mon chef, m’estimer heureux pour un jeune issu de l’immigration. Oui, j’ai mal à ma citoyenneté, j’aurais aimé écrire des belles histoires, parler d’amour et d’eau fraîche, de l’alizé qui fait frémir les branches d’un olivier dans la chaleur d’une nuit d’été rougeâtre, comme le feu dans l’âtre, d’une cheminée hivernale au flanc d’une montagne enneigée et d’un froid glacial. En quelques mots nous voilà de l’été à l’hiver. Au lieu de ça, je n’ai que du noir dans mon verbe, des tourbillons de misère à donner le tournis a celui qui me lit. Mon amour il ne reste plus que toi entre ce monde et ma colère, sans toi je ne serait que feu et après poussière. Ton esprit m’apaise, ta peau me chavire, quelle fut ta faute pour avoir été plongée dans un tel enfer ? Notre enfant sera-t-il ange ou démon ? Et s’il est ange sera-t-il à sa place dans ce monde ? Mon dieu, rien ne m’apaise... je suis un chien de garde aux abois et coincé dans une souricière, le mal tout autour est assourdissant, tant de cris, tant de misère, de larmes et de sang. J’agonise, à chaque pensée il me reste moins d’espoir. Quel que soit l’horizon, je ne vois que la poussière soulevée par des loups. L’homme honnête, lui, serein, dort sur sa couche, alors que l’aube rouge s’avance et réclame le réveil des justes. L’oracle des livres avait eu une vision et a saisi notre terre vue du ciel, de là il inventa le mot « apocalypse » et notre temps lui donne raison. Hiroshima et shoah ont effacé par l’horreur toutes les concordes humaines. A l’heure où Gengis Khan œuvre en bourse, par où il passe les sociétés trépassent (la rime est aisée, je sais), il va toujours plus loin dans l’enivrement de la victoire qui étend le territoire de la misère. A toi mon petit frère, ne deviens pas un loup, le monde en regorge, la meute est lâchée depuis des millénaires, un de plus ne fera pas notre affaire. Je sais, c’est dur, c’est étouffant, c’est dramatique. Mais ne leur donne pas raison ! Pars explorer le monde, prends de solides bagages et pose les ailleurs, loin de ceux qui sont assis sur un trésor qu’ils veulent pour eux seuls, même morts. Ils ne te céderont pas leur place ! Bats-toi pour la leur prendre a l’école, à l’université, fais le cracher, celui qui crache sur ta misère un long filet de bave. Toi, et ta couleur, élève-toi dans l’universalisme. Détache-toi de toutes ces identités pesantes à force de stigmatisation. Ne confonds pas les raisons de ta colère, tu aurais la couleur verte du dollar, toutes les places s’ouvriraient. Pourquoi s’acharne-t-on à aimer la France ? Français, je l’étais il y a longtemps comme j’était algérien ou musulman, viscéralement, complètement, par les tripes, mais la vanité de tous ces mondes et ce dogme de Georges Brassens : mourir pour des idées mais de mort lente...
Alors ne joues pas ta liberté ou ta vie à la roulette banlieue, sors-en. Vas voir d’autres univers, pars en quête de sourires et d’amour, construis ta vie ici ou ailleurs. Mais ne te recouvre pas de haine. Sois français raisonnablement, ne pense pas que la liberté, l’égalité et la fraternité t’est due. Il faut les conquérir, les séduire, à force de travail et d’amour. Ne fais pas l’erreur de croire que seul le français de papier souffre dans l’hexagone : ceux de souche aussi ils souffrent, regarde dans les rues, les sdf qui y dorment, que feras-tu pour les aider ? Alors comme eux, ne compte que sur toi. La France, tragiquement belle depuis l’Afrique, nous montre ici tout ces abcès, et ses Jean Valjean aussi. La France, comme l’islam, n’est pas responsable de ce que les hommes en font. Somme nous digne des utopies d’hier ? Bien sur le monde entier est injuste, mais le monde n’est pas la France, vas lire la constitution de l’an un et tu comprendras à quel point ils l’on fait changer... Marianne, le regard plongé vers l’horizon pour semer à tout vent, n’a pas vu qu’ici les ogres regagnaient du terrain. Leur faim a pris ta part, réfléchis, pense au danger qui t’entoure, entre un faux islam et une fausse France, ne perd pas ton âme ! Tu es plus français que n’importe quel député qui garde son calme à l’assemblée. Le vent de thermidor devrait y souffler après l’avertissement que vous leur avez donné, mais chacun aspire au retour au calme, à ce calme glacial que l’injustice réclame, pour opérer comme une larve. Les hommes bleus du désert des banlieues, avec leurs casques et leurs matraques, ne peuvent pas être ton seul lien avec la France.
Comment te sortir de là ? Je ne sais pas, à part l’école et le travail. Je ne vois rien, la drogue ou la religion de cave ne sont pas des paradis, mais des enfers que ce soit le caïd ou le fasciste vert, ces dealers de paradis, pour paraphraser Zazie Sadou. Ces démons des enfers te feront toutes les promesses, te parleront du tirailleur sénégalais et du spahi marocain, ils te diront que tu t’es éloigné de tes racines, qu’ils les ont coupé avec des cisailles républicaines. Ils ne valent pas mieux que les DRH ou les chefs de service. Fuis-les comme la peste, ils ne veulent qu’étendre l’ombre qui leur est nécessaire, faire de toi une main d’œuvre pour leurs besognes. Je sais, ça fait beaucoup de requins entre les matons des banlieues et les salopards de toute sorte. L’erreur que tu commets, c’est de te croire des leurs. Pour eux, tu n’es qu’un petit poisson, une proie facile car désespérée. Pense à ta mère, à tes sœurs, à ceux qui attendent d’être fiers de toi, ne te laisse pas incriminer en suivant d’autres dans leurs larcins. Le plus important dans ton existence se construit maintenant ! Chasse la violence de ton cœur, vomis tout ces enseignements, qui t’on fait croire que la valeur est dans la force virile. Voilà ce que je veux te dire, à toi qui chemines laborieusement dans l’obscurité la plus totale. Quand à toi, le petit héros des banlieue, qui as trouvé la lumière, qui baigne dans les mathématique ou dans les lettres, je te donnerais bien une médaille tellement je suis fier de toi ! Même si tu galères comme les autres dans les files de l’Anpe, tu contiens ta rage, tu en as fait une volonté, une énergie. Tu m’impressionnes, j’aurais tellement voulu être comme toi, bac, licence, maîtrise, clap clap clap pataclap ! Bravo ! Ola !
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