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LE LIBERALISME DETRUIT LA REPUBLIQUE

Par Fabrice Aubert
jeudi 6 avril 2006
par  Fabrice Aubert
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La république crée le citoyen

Inspiré par la révolution américaine (guerre d’indépendance) et concrétisation de la révolution française, la république construit un nouveau système politique « la démocratie » et crée le citoyen. La reconnaissance de la citoyenneté ne se limite pas au droit de vote (1), mais oblige tout pouvoir, quel qu’il soit à justifier ses décisions (lois, textes, réglements ou condamnations de justice) par un texte écrit qui, par principe se doit de respecter et obéir au texte suprême qu’est la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », dont la portée est devenue universelle (Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen). Toute décision prise par un pouvoir qui ne respecterait pas ses principes ne peut exister dans une république démocratique. Cet aspect était d’autant plus important pour les révolutionnaires de 1789 (toutes tendances confondues) que le Tiers-état, avait vécu pendant des siècles sous le joug d’une puissance politique qui n’avait de compte à rendre qu’à Dieu. Cette importance de la justification écrite des décisions d’un pouvoir était telle que la Constitution de 1793 avait intégré dans sa « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », le « droit d’insurrection », si un pouvoir ne respectait pas cette règle : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour tout le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » (article 35)

Le libéralisme économique

Historiquement il a été force de progrès et de développement, aspect reconnu et souligné par Marx lui-même (2). Fondé sur la liberté d’initiative, il a favorisé le développement des industries bien aidé et accompagné par l’Etat (les manufactures royales), ce qui est une spécificité française, par rapport à l’Angleterre. Le profit était la récompense des prises de risques initiés par des individus. Par ailleurs, la recherche du profit individuel favorisait le développement de l’ensemble de la société. Le travail était dur, les inégalités existaient, la pauvreté était massive, mais il y avait un développement global, que les luttes de classes du XIX et du XX ème siècle ont permis d’améliorer dans le sens d’une répartition plus juste des richesses (3) et du développement des droits (syndicats, congés payés etc). Autre aspect fondamental du libéralisme économique, tout était basé sur la confiance.

Du contrat de confiance...

La création du CDI au lendemain de la seconde guerre mondiale entérine ces principes. Les salariés sont recrutés sur des CDI, dont le principe est de partir sur une logique de confiance. D’où des périodes d’essai limitées dans le temps (1 mois renouvelable une fois). Rappelons aussi, que bien souvent à cette période les grandes usines ne sont pas en concurrence (la croissance importante fait que chaque entreprise se développe sur ses produits, sans véritablement rentrer en concurrence avec les autres). Rappelons enfin que l’apprentissage du travail se fait sur le tas, dans le collectif ouvrier et le jeune apprend à la fois le métier, les savoirs-faire industriels du produit, mais aussi les « savoirs-être » (syndicat, parti), contribution essentielle de la citoyenneté. L’intégration est massive et il n’existe ni chômage, ni délinquance, ni viol dans les trains, ni banlieues qui brûlent... Comme le rappelle à juste titre Jean-François Khan, on appelle cette période : « les trente glorieuses ».

...au contrat de défiance

En imposant 2 ans d’essai, avec l’assentiment patronal (soutien du Medef), le CPE détruit les bases même de la philosophie libérale, en passant d’une logique de confiance à une logique de défiance : « comme je ne te fais pas confiance, je te teste pendant 2 ans ». Observons de plus que ce principe s’applique à la jeunesse, dans une période de sa vie où elle aurait plus besoin de confiance que de défiance. Par ce simple principe de la défiance, le CPE est plus qu’une « révolution conservatrice ». Il est une rupture copernicienne des principes mêmes du libéralisme économique fondé sur la confiance. De fait, on ne peut pas se dire libéral et défendre le CPE. Rappelons nous aussi que les révolutions politiques ne naissent pas de la violence économique en tant que tel, mais de la contradiction entre la philosophie du système et la réalité des faits. Le CPE est par définition une contradiction que l’on pourrait qualifier d’antagonique.

« Le capitalisme sans valeur ne crée pas de valeur »

Cette phrase n’est pas tiré du Capital de Marx, mais est le titre d’un article paru dans Les Echos du jeudi 30 Mars 2006 et écrit par Mercédes Erra (présidente de l’Association des diplômés HEC), Pierre-Henri Gourgeon (président de l’association des anciens élèves de l’Ecole polytechnique) et Arnaud Teyssier (président de l’association des anciens élèves de l’ENA). Les auteurs précisent : « Car, en fin de compte, pour les citoyens que nous sommes tous, le capitalisme n’a de valeur qu’à deux conditions : qu’il soit efficace - autrement dit, qu’il assure un accroissement des richesses et un progrès des conditions de vie le mieux partagés possible - et qu’il soit le soutien, le point d’appui de nos systèmes politiques qu’inspirent les valeurs démocratiques. Le capitalisme sans valeurs ne crée pas de valeur, en tout cas pas de valeur durable. Le système n’est solide et légitime que s’il est socialement accepté et s’il se révèle un système qui dure ». Ils écrivent donc bien que le système actuel en dehors de sa logique financière (« Il y a aussi le maquis de moins en moins compréhensible des circuits financiers mondiaux, l’emballement de mouvements de Bourse virtuels dont la finalité et la logique paraissent aussi dangereuses qu’absurdes ») n’a plus de valeur au sens d’un objectif de construction d’une société.

Le politique au secours du capitalisme

Le CPE est la traduction juridique de ce "capitalisme sans valeur". C’est parce que l’entreprise, sous contrainte des marchés financiers, n’a plus de valeur, que les cours boursiers du C.A.C 40(4) , que le CPE est créé en intégrant les 2 ans de défiance et les possibilités de licencier sans justification. C’est bien parce qu’il n’y a plus de projet d’avenir que l’on impose au contrat de travail la durée de vie moyenne de détention d’une action. Les auteurs le voient bien et en appellent au retour du libéralisme : « ...il paraît plus nécessaire que jamais de repenser les méthodes et les finalités du système capitaliste. Il faut donc revenir aux vraies sources du libéralisme. Nous l’avons trop souvent oublié : les valeurs libérales sont d’abord des valeurs politiques ».

De la démocratie

Au cours de l’Histoire, le capitalisme s’est toujours caché derrière des valeurs gagnées par les progressistes, pour justifier des décisions de régression sociale. Les principes de la démocratie mis en avant pour justifier le processus d’application du CPE, et dénoncer le blocage des lycées et universités, oublient quelques principes des fondements de la république et de la démocratie :
- Il ne peut y avoir de décision politique socialement acceptable, que si cette décision est le produit d’une décision majoritaire. Que représente l’actuel Président de la République ? 19 % des électeurs.
- Le 29 Mai, 55 % des électeurs ont rejeté une constitution qui contenait en son sein, des dispositions ouvrant à une concurrence exacerbée entre salariés (Art II 75). Mais le capitalisme n’a que faire de la démocratie. Puisque le peuple n’a pas voulu voter son propre asservissement, une minorité politique le lui imposera par la loi, c’est le principe des dictatures.
- Le principe de non justification du licenciement, renvoie notre société, à avant 1789, lorsque les décisions prises par le pouvoir, à l’encontre des citoyens n’avaient pas besoin de justification. Les députés qui ont voté le CPE ont voté dans le même temps la destruction de la République.

Le capitalisme (5) détruit la République

Quand, en 1789, la République donne de la valeur à l’homme en créant le citoyen, le capitalisme transforme l’homme en valeur (6), et crée le CPE. En se révoltant, les jeunes (lycéens et étudiants) et les salariés ne font que rappeler au politique les valeurs de la République et poursuivent l’œuvre du progrès social, que des sans-culottes de 1789 aux ouvriers de 1936 (7), ont sans cesse dans l’histoire, payé du prix de leur sang.

(1) L’U.R.S.S connaissait le droit de vote et était même obligatoire, pourtant la démocratie et la citoyenneté étaient bafouées. (2) Lire sans a priori « le manifeste du parti communiste ». (3) Sans ses luttes et une meilleure répartition des richesses, le capitalisme n’aurait pas pu connaître le développement qu’il a connu au cours du XXème siècle. (4) Que les spéculateurs veulent bien lui prêter le temps d’une O.P.A (voir Gaz de France / Suez) (5) Derrière le libéralisme se cache le capitalisme. (6)C’est Marx qui le premier montrera que le salarié est traité par le capitaliste comme une simple « valeur d’échange » au même titre que n’importe quelle marchandise. A quand des CPE échangés entre entreprises ? (7) Les lycéens et les étudiants bloquent leurs entreprises productrice de la matière première du « capitalisme informationnel » de l’économie du savoir, comme en 1936, les ouvriers bloquaient les entreprises du capitalisme industriel, et ce pour obtenir une reconnaissance sociale et des droits.


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