LE NON DE LA SAGESSE
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LE NON DE LA SAGESSE
Par Sophia Chirikou
L’avenir de l’Europe et de notre pays est en jeu. La jeunesse et les générations futures ne sont-elles pas les premières concernées par le débat actuel sur la ratification du traité constitutionnel européen ? Militante associative et politique depuis presque 10 ans, je ne partage pas l’idée selon laquelle les électeurs qui se prononceront contre ce traité constitutionnel confondent la contestation de la politique nationale et la construction européenne. On a vu lors du débat télévisé avec le Président de la République que les jeunes, pour qui l’Europe est une évidence, sont à la fois réalistes sur les questions économiques et sociales, et conscients de la réalité du monde global actuel. Nous sommes une jeunesse pour qui le chômage, les délocalisations, la précarité, les discriminations sont des données de la vie professionnelle. Nous sommes une jeunesse pour qui la politique semble impuissante, déphasée quant elle ne nous paraît pas mensongère et corrompue. Mais nous sommes aussi une jeunesse qui s’investit et qui milite, qui se questionne et qui s’exprime, et qui espère. Non, nous ne sommes pas pessimistes, superficiels ou matérialistes. Nous avons des idéaux, et même si nous ne savons pas vraiment ce que nous voulons, nous savons de façon certaine ce que nous ne voulons pas. L’Europe est pour nous une évidence, la construction européenne une nécessité. D’abord parce qu’elle est un espace de paix et d’élaboration d’un avenir commun. Ensuite parce que la globalisation rend indispensable la collaboration et les ententes locales. Cette Europe là, nous la désirons tous. Nous l’espérons forte, capable de peser sur la scène mondiale, fière de son modèle humaniste et démocratique. Alors non, Monsieur le Président, nous n’avons pas peur de l’Europe, ni de l’avenir. En revanche, nous ne voulons pas d’une Europe qui oublie ses citoyens, qui oublie d’être démocratique tout en prônant les valeurs de liberté et de Droits de l’Homme. Nous refusons que les choix qui nous engagent soient pervertis par des arguments alarmistes, menaçants ou encore faussement condescendants. Car nous savons que la Démocratie n’est pas une donnée de la nature. Nous l’avons vu le 21 avril 2002 avec la présence au second tour de l’élection présidentielle du candidat du racisme. Nous le voyons aujourd’hui dans le monde, en Irak, en Tchétchénie, au Togo. Nous le voyons en Europe, en France, avec les tentations de replis communautaristes, de formules protestataires. Le Traité Constitutionnel Européen pose un vrai problème. Qu’on le défende ou qu’on le combatte, on ne peut nier qu’il n’est pas la panacée, que le comparatif entre les avantages et les inconvénients ne permet pas de dégager de « vérité ». Pourtant, petit à petit, des convictions se forgent. Mon parcours militant, les valeurs que je défends et l’expérience de terrain contribuent à forger la mienne.
Le 29 mai prochain, je voterai NON à la ratification de ce Traité Constitutionnel Européen. Je ne veux pas que l’étape politique de la construction européenne soit le symbole de la supériorité de l’idéologie libérale au détriment de valeurs comme la solidarité. Quand les services publics rebaptisés « services d’intérêt économique général » sont clairement mis en danger par un texte qui cite 78 fois la concurrence, je sais que l’égalité des chances - chère à notre République - ne pourra plus être défendue. Vivre ensemble requiert d’élaborer une règle commune - une Constitution - et de mettre en œuvre des politiques qui donnent corps à cette règle. Le Traité Constitutionnel Européen, tel qu’il nous est soumis, impose une règle commune au service d’une vision politique. Il favorisera l’émergence d’un bloc partisan au lieu de porter des valeurs universelles. Ce n’est pas l’Europe que je souhaite pour mon avenir et celui des générations futures.
Sophia Chirikou est membre du bureau national de Ni Putes Ni Soumises
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