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Vicente da Câmara à Paris : la dignité du fado

dimanche 25 mai 2014
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 6%

Vicente da Câmara vient de fêter ses quatre-vingt six ans, ce qui en fait peut-être le doyen des fadistes en activité. Il est venu quelques jours à Paris.

Vicente da Câmara est une légende vivante du fado qui, sur les traces de sa tante, l’éminente fadiste Maria Teresa de Noronha, incarne jusqu’à aujourd’hui ce que l’on a nommé « fado aristocratique », fidèle aux traditions musicales du fado, développant davantage des thèmes simples ou liés à des traditions portugaises (les taureaux, les fêtes populaires). La famille da Câmara a d’ailleurs été généreuse avec le fado : son fils José est fadiste, ainsi qu’une noria de nièces, neveux, cousins, cousines, dont même un ecclésiastique ! A cette tradition, se sont rattachés, en partie, des noms bien connus du fado, tels Antonio Mello Correia, trop vite, et dramatiquement, disparu, João Braga ou Maria Ana Bobone.

Tradition ne veut pas dire enfermement. Vicente da Câmara fut critique envers celles et ceux qui se contentaient de reproduire le style des maîtres et encouragea les jeunes artistes à trouver leur propre voie (et parfois leur propre voix). Sa carrière, qui s’étend sur plus de six décennies, fut principalement consacrée à de nombreuses émissions de radio, puis de télévision, ainsi qu’à des concerts, au Portugal et dans une dizaine d’autres pays. Il ne fit jamais partie d’une affiche des maisons de fado lisboètes, tout en les fréquentant assidument, notamment, dans sa jeunesse, l’Adega Mesquita, l’Adega Machado, qui existent toujours, et l’Adega da Lucilia (do Carmo), devenue O Faia. Vicente da Câmara est l’un des rares fadistes à s’accompagner à la guitare portugaise (dans cet exercice, on peut citer Carlos Ramos dans les années 1940-60 et aujourd’hui Carlos Macedo, et l’ami Manuel Miranda en France). C’est aussi un auteur de talent dont témoigne ce qui est sans doute son plus grand succès, A moda das transas pretas, qu’il enregistra, dit-on, contre l’avis de son père, qui trouvait le thème un peu léger. Parmi ses autres fados devenus classiques, citons Varina et le Fado das caldas.

Voilà deux ans que M. et Mme Mota, les heureux propriétaires du restaurant l’Arganier (Paris 14e) ont décidé de confier à Sousa Santos, figure du fado parisien, l’animation d’une soirée de fado chaque vendredi. Pour fêter ce deuxième anniversaire (il y en aura d’autres, a promis M. Mota), Sousa Santos a eu la précieuse idée d’inviter Vicente da Câmara, un grand nom du fado, et probablement le doyen des fadistes en activité depuis la retraite d’Argentina Santos. Une bonne idée, d’autant que Vicente da Câmara, s’il était venu de rares fois en France, ne s’était jamais produit à Paris.

A 86 ans, la voix est demeurée ferme, l’élégance impeccable, comme l’accompagnement à la guitare portugaise. « Je préfère, dit-il, m’accompagner, sinon, il est parfois difficile de trouver rapidement une entente avec d’autres guitaristes. Là, c’est moi qui donne le tempo ». Illustration immédiate avec Manuel Corgas, à la guitare portugaise, et Nuno Estevens, à la viola, qui surent suivre impeccablement le maestro Vicente da Câmara. Neveu d’une grande fadiste, de famille aristocratique, Maria Teresa de Noronha (« je suis fils de da Câmara et de Noronhas, mais le fado, dans ma famille, vient du côté des Noronhas , même si mes deux fils et ma petite fille perpétuent le nom de da Câmara dans le fado ; il y a aussi les da Câmara Pereira, une branche éloignée »).

Lancé par sa tante dans son émission de radio, Vicente da Câmara est resté longtemps une vedette de la radio et de la télévision, mais n’a jamais travaillé dans les maisons de fado (« trop de fumée, et puis trop de contraintes, être présent tous les soirs. En fait, ce n’est que tout récemment que j’ai accepté de chanter une fois par semaine à la Mesa dos frades (une maison de fado réputée d’Alfama, ndlr). Par contre, j’ai fait, et je continue de faire beaucoup de galas et de fêtes associatives ».

Il reconnait, à ses débuts, l’influence de sa tante, mais aussi celle d’Alfredo Marceneiro. « A cette époque, on ne chantait que des fados classiques, castiços. Le fado a beaucoup évolué depuis. Les moteurs de cette évolution ont été notamment Amalia, bien sur, mais aussi Carlos Ramos, davantage de nouvelles mélodies, appel à de grand poètes ». Et le rôle de Carlos do Carmo ? lui demande-t-on. Vicente da Câmara sourit : « Dans ce domaine, je préfère parler des morts, pas des vivants. Mais j’ai connu Carlos do Carmo tout enfant, toujours fourré dans les jambes de sa mère, Lucilia, une grande fadiste, qui lui disait : vas jouer ailleurs, tu ne vois pas que je cause avec le monsieur ? »

Vicente da Câmara est ébloui par le talent des jeunes du fado, et notamment des musiciens : « Vous trouvez à Lisbonne des jeunes à peine sortis de l’adolescence qui vous jouent des choses incroyables à la guitare ». Parmi les fadistes actuels, il apprécie notamment Ricardo Ribeiro, Ana Moura, Ana Sofia Varela et cite une jeune bosniaque établie à Lisbonne, Maia, qui l’a beaucoup impressionné. « Le fado est une musique riche, dit-il, riche de ses origines, qui doit beaucoup aux trouvères provençaux, aux influences africaines et arabes, et tout cela a un lien avec la mer, c’est la mer qui nous a donné le fado. C’est propre à Lisbonne. Coimbra n’a pas connu ce mélange, il serait plus juste de parler de ballade Coimbra, plutôt que de fado ».

Ainsi parla ce grand monsieur, qui est aussi poète (son dernier cd est composé de fados entièrement écrits par lui) et compositeur, avant, leçon de fado donnée avec simplicité, de prendre congé.


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