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La guerre ? Quelles causes dans le temps long ?

vendredi 20 novembre 2015
par  Jean-Pierre Lefebvre
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Les drones humains ont frappé. L’effroi dominé, il nous faut tenter de penser le pourquoi de cette chute dans l’horreur inintelligible. Urgent, avant que la mécanique des oppositions binaires et du racisme néo-fasciste nous entraine vers une catastrophe plus grave encore. Originaires de Courcouronne, Drancy, Chartres ou Bruxelles, mus par une idéologie passéiste dont les ingrédients sont la violence de l’Islam de Médine et le post nazisme des BAAS syrien ou irakien, fortifiés par le colonialisme apartheid d’Israël qui, depuis 1947 accumule avec sa supériorité militaire des Himalaya de haine arabe, comme ici par la chasse au faciès ou la relégation en fond de classes par les pères fouettards Jules Ferrystes. Souvenez-vous, le dernier état d’urgence, c’était en 2005, après la mort des deux gamins de Clichy poursuivis par la police, l’insurrection de quinze jours. Le monopole de la violence détenu par l’Etat avait alors provisoirement gagné contre une révolte aveugle, démunie de programme : l’ordre régnait dans nos banlieues sinistrées. Pour combien de temps, me demandais-je ? Personne n’a de solution clé en main pour sortir du gouffre qui s’ouvre sous nos pieds. Après Charlie, on a embauché des policiers, 6000 de plus, on en remet autant, pour 11000 suspects de djihadisme dont 1500 fichés … Brancaleone renvoie quelques mirages bombarder la Syrie, espérant un demi-point de plus en 2017…

De 1974 à 2003, j’ai travaillé en Seine Saint Denis dans un domaine spécifique : faire travailler par des architectes d’avant-garde les solutions plurielles préparant l’enveloppe bâtie d’une société plus fraternelle, « d’une bonne vie » pour tous. Nous avons construit les idées anti-grand ensemble, anti-corbusiennes, anti-totalitaires de Jean Renaudie, dans les conditions économiques moyennes mais à contre-courant des pratiques dominantes du système bureaucratico-économique. Sur la trace de l’Ivry de Raymonde Laluque, des expériences urbaines son nées à Aubervilliers, Saint-Denis, Pierrefitte, Villetaneuse, la Courneuve, Blanc-Mesnil, Ile Saint-Denis. Autant de quartiers HLM écologiques, conviviaux et beaux, ces qualités se tenant l‘une l’autre. Au service des enfants et de l’intégration, 35 collèges neufs s’efforçaient aux mêmes qualités dans le foisonnement des styles, prêts à accueillir des pédagogies innovantes.

Un film magnifique connait cette semaine un beau succès qui contraste avec le traumatisme sanglant. Dans Tous les trois sinon rien, Kheiron, nous conte l’histoire de son père, militant iranien qui a subi et fui les dictatures du Shah puis des Ayatollahs chiites puis, cinq ans durant, réalisé une magnifique expérience sociale dans le quartier des 440 HLM expérimentaux des Poètes à Pierrefitte, dûs aux architectes Euvremer et Padron Lopez, collaborateurs de Renaudie. Dès l’origine, sociologiquement déséquilibrés, les Poètes accumulèrent vite les difficultés. Habat Tabib réussit à faire dialoguer les administrations avec les habitants, les flics avec les Beurs, à encourager les associations ethniques, organiser de superbes fêtes de la fraternité, sauver quelques ados en perdition dans des difficultés incroyables. Ainsi, sur le terrain les solutions exceptionnelles d’un environnement bâti de qualité ont rencontré celles d’une action sociologique pointue. Cependant, un volet manquait cruellement : les poches de pauvreté et de mal-vivre, sont produites par le système. Les solutions sont bien connues, sinon aisées à mettre en œuvre : diminuer l’accumulation patrimoniale des toujours plus riches au profit d’un partage des richesses et du travail, libérer les énergies bloquées par la paperasserie étatique !

Le quartier HLM tout bois de la Pièce Pointue au Blanc-Mesnil fut encore mieux exemplaire. Grâce à des politiques avisés, la composition initiale du quartier a été dès le début judicieuse : majorité d’ouvriers et d’employés, minorité de locataires originaires du Sud, quelques cadres moyens, attirés par la qualité écologique du quartier tout bois, très peu dense (COS de 0,5), merveilleusement architecturé. Cette alchimie intégrative a parfaitement fonctionné jusqu’à ce que Mme Boutin décide de multiplier par cinq le loyer des cadres, ce qui les a fait fuir, brisant ainsi une expérience en cours de réussite.

Que se passe-t-il aujourd’hui, vingt ans après leur construction ? A Villetaneuse (Renaudie) et Aubervilliers (Gailhoustet), des tentatives ont été mises en échec qui visaient à démolir ces exemples gênants d’utopies construites, pourtant plébiscitées par leurs habitants comme par les spécialistes. A Pierrefitte, en 2010 après une bataille de cinq ans des habitants et des architectes, les 440 HLM ont été scandaleusement détruits avec l’appui de tout l’éventail politicien, sans qu’on n’en reconstruise aucun. Au Blanc-Mesnil, c’est le maire « centriste » qui récidive dans la rage iconoclaste en voulant détruire la Pièce Pointue de la franco-polonaise Iwona Buczkowska. A Bobigny, c’est son superbe collège, lui aussi écolo tout bois, qui est menacé par le Département PS-PC, malgré cette autre rencontre historique heureuse entre une architecture et un principal inspiré, qui a amélioré le niveau scolaire de son collège grâce à une pédagogie audacieuse fondée sur le théâtre et la Grèce antique, sujet d’un film : Quelle classe, ma classe ! Mais, malheur, un principal peut en cacher un autre, la nouvelle titulaire, dépassée par l’excellence de l’outil, veut le démolir, soutenue par les technocrates obtus du Département qui rechignent devant la filière bois, pourtant superbement écologique. En un mois, 800 signatures spontanées et sensibles, sur Wesignit, se sont opposées à l’acte barbare. A l’époque, nous n’avions pas découvert des solutions miracles, simplement mis en œuvre quelques ingrédients disponibles vers une issue durable à la crise des banlieues : les politiques ont donc décidé en 1994 de briser cet outil d’aménagement performant. Après l’insoutenable massacre du 13 novembre, l’urgence est bien entendu de combattre et annihiler l’ennemi principal du moment : les gangsters fasco-fanatiques de Daech et pour cela élaborer au Moyen Orient une stratégie réaliste. Appuyée sur les alliances indispensables, elle devrait prioritairement passer par la fin de l’apartheid en Palestine. Elle devrait aussi couper toute base de masse aux assassins, éradiquer ici le gangstérisme drogué - terreau criminel du recrutement de Daesh - qui, en banlieue a pignon sur rue malgré l’inflation policière, là-bas leur financement par certains de nos « alliés » équivoques. Pourquoi ne pas en finir comme en Hollande avec la prohibition du cannabis, pas plus nocif que l’alcool ou le tabac, ce qui en cassant le marché des dealers, libérerait sans doute quelques très chers moyens policiers…

La tache historique est aussi d’approfondir sans cesse l’intelligence sensible, son utilisation citoyenne, sa transmission aux jeunes générations contre les mystifications religieuses, quelles qu’elles soient, en excluant naturellement toute intolérance et mesures administratives car elles sont inefficaces. Mais à l’heure où la science et le rationalisme déterminent concrètement l’essentiel de nos manières de vivre, pourquoi leur méthode vitale n’est-elle jamais étendue aux domaines de la politique, trustés par l’oligarchie et ses scribes ? Rappelons que la même puanteur de pétrole émane des chefs, qu’ils soient sunnites, chiites, ou de Wall Street. Il est temps que le rationalisme retrouve sa force conquérante contre les mythologies retardataires qui sacrent par exemple le nazi Heidegger le plus grand philosophe du siècle, ou le fasciste Le Corbusier le plus grand urbaniste, jusqu’aux épiphénomènes passéistes de Le Pen, Zemmour à Houellebecqu ou à l’autre bord, aux zélateurs anachroniques des Brejnev, Castro, Mao, « globalement positifs » comme chacun sait.

Cela passe par l’imagination de solutions durables pour nos banlieues de la ségrégation et la bonne intégration républicaine de ses enfants, après l’échec récurrent des politiques de la ville qu’un ouvrage récent (En finir avec les banlieues, Thomas Kirszbaum, L’aube,2015) souligne, tout en restant au bord des vraies directions d’action notamment en matière de qualité urbaine et d’éviction du monstre étatique de l’ANRU, machine opaque à casser du HLM sans changer en rien la réalité environnementale assassine. Un traitement urbain des banlieues abusives, fondé sur la participation démocratique, l’élévation sociale et la rencontre avec les meilleurs architectes, dépasserait son objet sanitaire pour ouvrir des pistes à l’édification d’un tissu de ville pour tous, enfin écologique et humainement fécond.

Unissons les poètes et le bon peuple élargir les champs de l’intelligence sensible ! Instituons une démocratie fondée sur l’activité de la base. Faisons maigrir les bureaucraties et les patrimoines excessifs. L’Union sacrée ? Comme en 1914, pour un prochain massacre industriel propre à noyer toute velléité de changement radical ?

Jean-Pierre Lefebvre est urbaniste


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