Naël : 17 ans, ce n’est pas un âge pour mourir
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Tristesse ! Que dire ? Sécher ses larmes ? Serrer les poings ? Comment est-ce possible ? Nahel a été tué de sang-froid. Mourir ainsi à 17 ans abattus à bout portant par un policier. Mourir en laissant sa maman, ses proches pleurer des souvenirs, des moments partagés, mais surtout une possibilité de vie. Chaque jeune de France se dit : cela aurait pu être moi. Chaque maman se dit : cela aurait pu être mon fils.
À toutes celles et ceux qui se gargarisent avec le mot République, pour mieux balafrer ses idéaux, nous devons demander ce qui a été fait pour qu’il reste en vie. Partout, en France, on crie : justice ! Il y a bien un lien ténu entre la mise en œuvre de la loi de sécurité de 2017 portant sur l’utilisation des armes à feu par la police et son interprétation par la hiérarchie policière. Il y a le même lien ténu entre l’augmentation des « refus d’obtempérer » et l’augmentation continuelle du prix des assurances. Cela ne justifie pas qu’on tue. Les images ont obligé à voir une réalité. Elles ne montrent pas la menace que le refus d’obtempérer fait courir à deux policiers ni à autres personnes. Rien ne justifie qu’on meure d’une balle dans la poitrine à 17 ans. Absolument rien. Nous sommes aux côtés de sa maman, de ses proches. Nous sommes aux côtés du maire de Nanterre, des élus et de la population.
Ce drame ne relève d’aucune fatalité. Il discrédite l’État et ses forces dites de l’ordre alors qu’elles devraient être des « gardiens de la paix ». Au nom d’un ordre juste, les coups de menton ministériel promeuvent juste de l’ordre. De l’ordre dans une société où la majorité de la population n’en peut plus d’entendre les bruits de l’argent qui coule à flots à un petit pôle de la société, des scandales divers de corruption, les magouilles de toute sorte. Ces messieurs du haut ne parlent jamais du mur qui enferme les habitants des cités. Leur problème est le « mur de la dette » à rembourser. À qui ? Aux banques et aux fonds financiers qui se gavent du manque de services publics dans ces mêmes quartiers comme dans les campagnes. Cela fait des mois que l’on sent les tréfonds de la société bouillir. Aucune leçon n’a été tirée des résultats des élections municipales où la plupart des maires ont été élus… sans électeurs. Aucune leçon réelle des résultats des différents scrutins dans les quartiers populaires. Aucune leçon des conditions du confinement dans les quartiers populaires. Aucune leçon des mises n’en garde sur la violence des « contrôles policiers au faciès » le racisme et le mépris dont sont l’objet ces citoyens. Même l’ONU vient de déclarer ce vendredi que la France doit « s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme parme les forces de police. Oui, l’ONU.
Qu’ont-ils bien à faire les jeunes de ces quartiers discriminés des proclamations gouvernementales sur les « taux » de chômage quand eux sont assignés à résidence, discriminés et invités à devenir « ubérisé » en s’endettant pour longtemps. En ce moment même avec les constructions des équipements des Jeux olympiques s’accélèrent ce que l’on appelle la gentrification, c’est-à-dire l’accélération du déplacement des populations les plus en difficulté de ces quartiers par des catégories sociales plus aisées. Celles et ceux qui y habitent, parents et enfants, ouvriers, employé, étudiants, bref les premiers de corvée, celles et ceux que l’on croise de très bonnes heures dans les transports en commun n’auront pas accès à ces logements. Ils sont trop chers. Et que dire de la possibilité pour elles et eux de participer aux Jeux olympiques quand il faut presque deux mois de salaire pour disposer d’un billet ? Pourquoi, les habitants des « banlieues » ces lieux mis au ban de la grande ville et de la société n’ont-ils pas droit au beau.
Dire ceci n’est pas justifier les violences et les destructions de voitures des voisins, de services publics, de mairies, de dépôts de bus, les attaques de magasins pour voler. On croit s’en prendre à l’État ou à tout ce qui représente l’État. En fait, c’est à soi-même et à ses semblables qu’on fait mal, c’est sa voisine, son voisin, son cousin qu’on empêche d’aller au travail, voir qu’on met au chômage. Ces violences, se retournent toujours contre les populations les plus en difficulté, donnent prétexte au pouvoir de restreindre encore la démocratie.
L’apaisement et le dialogue dans les cités sont indispensables. Pour cela, la confrontation politique doit reprendre ses droits. Mais les autorités publiques doivent écouter, entendre et en tirer les conclusions pour améliorer réellement la vie des citoyens. Pas le énième « plan banlieue » mais le respect, l’égalité des droits, la fin du racisme et des discriminations, l’accès à l’école, la formation, la culture, le sport et à un travail intéressant correctement rémunéré, a un logement de qualité à un prix abordable.
Ce n’est pas le chemin que montre le pouvoir qui va jusqu’à interdire aux députés de voter une loi de recul de l’âge de la retraite. Loin de moi, l’idée de tout mélanger. Seulement l’épisode du coup de force pour imposer la loi des 64 mois a des conséquences sur les modes de « luttes » dans cette jeunesse et ses parents qui ne sont jamais écoutés. Mais on peut en dire de même des territoires ruraux, là où on s’est beaucoup mobilisé contre la loi des 64 ans, là où manquent tant de services publics, là où deux paysans se suicident en silence chaque jour. Qui porte contre eux, la violence ? Même le rapport commandé à Jean-Louis Borloo sur les banlieues a été jeté à la poubelle en direct à la télévision, pour des raisons politiciennes. Qui a donc soufflé sur les braises de l’incendie qui couvait depuis un long moment ? Et ce ne sont pas les déplacements ministériels ou de pseudo-réunion de crise sous l’œil des caméras qui ouvrent le chemin d’un renouveau du dialogue, de l’apaisement, de la construction d’une police proche et au service des habitants. Nahel, ce prénom qu’il ne faudra pas laisser s’enfouir dans l’oubli !
Article paru dans la Lettre internet de Patrick Le Hyaric
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