LE SOCIALO-CENTRISME, UNE CHANCE POUR LA GAUCHE ?
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Que lecteur fidèle inquiété par le titre se rassure : nous ne sommes pas contaminés par les prêches de Michel Rocard et de Bernard Kouchner, ni par les mezzo voce de Dominique Strauss-Kahn, ni par la belly dance de Ségolène Royal devant les centristes.
Nous souhaitons simplement développer une hypothèse. Comme toute hypothèse, même argumentée, elle pourrait être balayée par les évènements à venir. Comme toute hypothèse argumentée, elle peut aussi se réaliser.
Le premier élément de l’hypothèse, c’est l’éventuelle élection de Ségolène Royal, éminemment souhaitable au regard de l’énergumène politique qu’elle affronte. Et son corollaire (non obligé mais probable), une victoire aux élections législatives
Dans ce cas de figure, l’annonce a été faite : le futur gouvernement inclura des ministres centristes, pour peu qu’un accord se fasse sur un programme. Compte tenu du contenu du programme (pardon, du pacte) présidentiel de Ségolène Royal, d’une part, et de la légendaire plasticité programmatique des socio-libéraux et du centre droit, d’autre part, un tel accord ne devrait pas poser de difficultés insurmontables. Y adhèreront sans difficultés les satellites idéologiques du Parti Socialiste ( les Verts, dont s’occupe Daniel Cohn-Bendit, le PRG bien sur, le MRC contre un retour ministériel de Jean-Pierre Chevènement précédant sans doute une future démission).
Dans un tel contexte, il est possible de soutenir, deuxième élément de l’hypothèse, que l’alliance socialo-centriste clarifie la situation à gauche et offre un espace politique plus lisible à la « gauche de gauche », celle qui entend offrir une alternative sociale, économique, culturelle au libéralisme capitaliste que la direction du Parti Socialiste n’entend qu’amodier.
Réaliser alors l’hypothèse suppose deux conditions. La première est de retisser des liens entre les composantes des « collectifs antilibéraux », eux-mêmes en mauvais état, après les cicatrices de la désunion à l’élection présidentielle. Pas évident à l’aune des premières réactions post-électorales : la direction de la LCR se la pète un brin en appelant au rassemblement autour d’elle, confondant la sympathie attirée par un candidat talentueux avec l’expression d’un leadership sur la mouvance alternative au libéralisme. Celle du PCF, visiblement en difficulté, peut être tentée par le repli sur soi du parti, par ailleurs demandé par une partie des militants, ce qui serait une erreur. Des erreurs, il y en eut tant ces derniers mois dans la gauche de gauche qu’on pourrait se dire « une de plus, une de moins ». Très insatisfaisant, dirait Jeeves.
Beaucoup de nos amis communistes, après la désillusion présidentielle, se rassurent en clamant que le Parti n’est pas mort. C’est humain, et c’est exact : les partis ont la vie dure. Mais croire qu’il ne peut pas mourir est plus risqué. Un « splendide isolement » pourrait être fatal. Dans l’hypothèse que nous avons tracée, il apparaît deux chemins possibles pour le PCF. Le premier est « à l’italienne », le PCF rejoignant, avec les précautions d’usage, une « grande coalition » de type Marguerite (à moins que ce soit une autre fleur, les italiens fleurissent énormément leur jardin politique). N’est-ce pas, sans injurier tant l’avenir que les personnes, la perspective à laquelle pourraient se résoudre Robert Hue et ses amis ?
Le second est « à l’allemande » : il suppose qu’une partie du PS regimbe à tel point devant l’alliance avec les centristes qu’une sorte de « linkspartei » à la française puisse se constituer, sous des formes évidemment très différentes de ce qui se passe en Allemagne, mais avec des perspectives similaires. C’est ce chemin là que nous trouvons fécond, porteur de sens. Même si Ségolène Royal n’est pas élue, d’ailleurs.
D’aucuns pourront penser que nous accordons bien de l’importance, dans la gauche de gauche, au PCF alors qu’il vient de subir une déculottée électorale. C’est qu’il nous arrive d’être lucide : les militants, les adhérents, les élus du PCF y sont dominants. Tant qu’ils ne seront pas rejoints, ou contrebalancés, comme on voudra, par des militants, des adhérents, des élus, des électeurs du PS, la construction d’une gauche de gauche sera très difficile. Et les autres ? Tous sont estimables, chacun enrichit la palette, constitue un appoint précieux, indispensable même, mais un appoint. Même le Cactus, c’est dire !
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