LE PC ET LE DESIR DE L’AUTRE
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Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. Par cette citation de René Char, Hannah Arendt introduit son livre : la crise de la culture. Au moment où le parti communiste est sommé de l’intérieur et de l’extérieur à remettre en cause son identité, jusqu’à l’abandon du mot communiste, je voudrai tirer la sonnette d’alarme sur ce qui n’est peut-être pas la vraie question et affirmer qu’il y a une crise de culture dans le parti, que l’abandon d’un mot-signe-symbole ne résoudra par un coup de baguette magique.
Cette crise de la culture se manifeste par une soumission au désir de l’Autre, par absence, aveuglement de la connaissance de son propre désir, la revendication d’une parole communiste occupe ici toute sa place.
Il ne servirait à rien d’abandonner un mot, pour continuer à fonctionner de la même manière voire pire. Je l’ai souvent écrit, l’engagement militant n’est pas une affaire idéologique mais une logique de vie. Cette logique doit trouver des voies d’énonciation singulière et collective. Dans tous les cas et à tous les coups, le politique, le militant, le responsable, doit s’engager en tant que sujet dans ce qu’il énonce, autrement il n’est pas crédible, ni à ses yeux, ni aux yeux d’autrui qui entendent ici et encore un discours et non une parole.
L’actuel du parti passe de la surdité au désir de l’Autre, à la soumission au désir de l’Autre, dans les deux cas l’identité révolutionnaire est écrasé : dans le premier temps elle s’aveugle elle-même (stalinisme) dans le second temps elle fait allégeance à des pressions extérieures et/ou intérieures qui révisent le passé sans interroger leur propre position dans les rapports sociaux (opportunisme).
La construction de son propre désir de révolution, en passe pas la reconnaissance du caractère divisé du sujet et du désir, par l’ambivalence de l’engagement : par exemple les responsables, dirigeants, élus, jusqu’au militant doivent s’interroger sur le conflit possible entre une pensée propre singulière, et ce qui est présenté comme l’intérêt du parti, la ligne, voire les avantages que d’aucuns peuvent retirer des positions acquises. La critique de la bureaucratie, le déconnectage de nombre d’élus, responsables, de la production, du travail, de la vie de la cité, ne sont pas analysées, dépassées. L’essence humaine c’est l’ensemble des rapports sociaux. Les communistes devraient s’appliquer cette thèse de Marx à eux-mêmes.
Cette remarque n’est ni agressive, ni incidente. Le travail sur soi, à partir de la place d’où je parle, pour reprendre l’assertion de Pierre Bourdieu et le premier geste distancié à accomplir. Cette question rarement abordée, souvent non-dite, où dénoncée chez les autres, fait poids dans le fonctionnement et l’imagination créatrice de la pensée.
Entendre et se démarquer du désir de l’Autre, pour aller à la rencontre, voire la création de son propre désir il s’agit du travail de la culture. Kulturarbeit disait Freud. Ce travail le parti communiste est à même de le conduire : fantastique collectif, innervé par les luttes qu’il génère où qu’il accompagne, il détient en lui, en ses militants des savoirs enfouis, des expériences personnelles et collectives fantastiques. Il n’en fait rien ou peu. Chacun est laissé dans la détresse de son interrogation, de sa souffrance, voire de son désespoir. Le dévouement militant, l’énergie militante, ne se substitue pas au temps d’élaboration, de discussion, d’écriture.
Et pourtant, si engagement était pris, agi, d’innerver, de réaliser dans le parti, la formation créatrice des militants, ce serait déjà créer du communisme ici et maintenant. Mais tout cela ne tiendrait pas sans la fraternité, la fraternisation, lien profond qui devrait lier les communistes entre eux. La société que nous souhaitons sera le reflet de la société que nous vivons, entre nous. Le sujet est divisé certes, mais il ne se dédouble pas et le parti est le laboratoire social de l’émancipation du désir de l’Autre (du Capital, ou de l’Institution).
Certes, notre héritage n’est précédé d’aucun testament, il nous oblige à inventer dans nos façons d’être, de dire, de faire, une autre culture, une autre anthropologie, celle où - inversant Marx - le vif saisit le mort.
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