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Tribune Libre : MUNICIPALES : UNE ELECTION POUR RIEN ?

Par Jean-Pierre Lefebvre
lundi 25 février 2008
par  Jean-Pierre Lefebvre
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Ce n’est que justice, passé l’effet de surprise, la politique d’extrême-droite de Sarkozy prend du gîte. Pour deux raisons : l’agité se prend les pieds dans le tapis de son excessive agitation. Les Français, quoi qu’on en ait dit, ne sont pas encore suffisamment stupides et anesthésiés. L’infra niveau du mensonge people détient de fortes capacités d’auto-dissolution. L’ostentation cynique des nantis devient une provocation en période de récession et de paupérisation accrues. Secondement, l’indéniable crise du capitalisme mondial (et français) détruit les éventuelles chances de retombées sociales qui pourraient résulter de l’expansion de la richesse des riches. Des sophismes s’effondrent comme ceux qui visent à faire travailler plus ceux qui ont la chance d’avoir déjà un emploi : le résultat arithmétique est que le nombre de chômeurs s’accroîtra d’autant. Il faut partager mieux le travail et la richesse plutôt que d’aggraver encore la compétition entre forts et faibles, déjà faussée par les avantages acquis héréditairement, le plus souvent en l’absence de tout mérite individuel.

Tout le monde sacrifie au discours écologique. Mais la volonté fanatique de croissance, animée par l’encouragement à l’enrichissement des plus riches conduit à la surproduction de biens matériels superflus, destructeurs de l’environnement, aux dépens d’une culture spirituelle qui n’épuise pas les ressources du globe mais que l’Education nationale ou la télévision sont totalement incapables de diffuser. Quand l’humanité a dores et déjà les moyens objectifs de nourrir, abriter, vêtir, soigner correctement chacun de ses membres. Le partage démocratique selon l’apport de chacun - qui exclut l’égalisation des sorts -, devient, plus que jamais, la question essentielle.

Les surdensités urbaines faussement chargées d’un pouvoir de dynamisation de l’économie et de la richesse, aboutissent inexorablement à la même fatale destruction des conditions d’une vie équilibrée et heureuse. Elles accentuent le gâchis gigantesque en énergie et matières premières, instituent un environnement minéral, artificiel, inutilement oppressif et gaspilleur. La plupart des écologistes, s’ils poursuivent les fausses directions de l’hostilité au nucléaire pacifique - irremplaçable pour diminuer le gaz carbonique - et aux OGM - multiplicateurs des rendements agricoles rendus indispensables à l’alimentation demain de neuf milliards d’humains - ignorent tout de ce contenu décisif de la saine revendication écologique : un cadre de vie économe, peu dense, agréable, proche de la nature. Ils abandonnent totalement ce champ à la brutalité des industriels et spéculateurs qui se sont complètement soumis l’institution architecturale. L’urbanisme constitue 80 % de la vraie responsabilité des élus municipaux ; ils ne reçoivent pour cela aucune formation spécifique. L’université dans son infinie médiocrité serait d’ailleurs incapable de la leur donner. Pourtant s’ils le voulaient, la ville serait différente.

Il est naturellement vital de lutter avec les écologistes pour éliminer les nuisances du développement nucléaire et biotechnologique (et nanotechnologique) mais non à la manière des canuts qui cassaient les machines à tisser.

Le probable bon résultat de la gauche aux municipales, s’il est naturellement souhaitable, intervient malheureusement trop tôt : les effondrés de la social démocratie de droite, toujours prêts, pour se servir la soupe, à la capitulation, au ralliement aux pires représentants du marché sauvage (aujourd’hui de Kouchner à Lang, demain de Royal à Fabius), en tireront tout le profit, en se dispensant du moindre effort de réflexion vers des solutions audacieuses et réelles aux impasses politiques, dans notre créneau faible de la chaîne mondiale du capital.

A la vérité, Sarkozy s’est engouffré dans les avenues désertées par la gauche. Les propositions Attali l’illustrent. Il est facile de s’en débarrasser en les taxant de « 99,9 % à droite ». Elles n’en sont pas moins pour nombre d’entre elles absolument nécessaires à mettre en œuvre qu’on soit de droite ou de gauche, si on est attaché à l’équité et à l’ouverture sur la troisième ère de l’économie moderne basée sur la connaissance, le dynamisme intelligent et le développement durable. Balayer la société civile de tous les obstacles bureaucratiques qui placent la France au dernier rang de la santé économique européenne est urgent pour tout le monde. Redonner de l’efficacité à un enseignement vivant et efficient, à un système de santé économe, à une architecture urbaine de qualité, à une justice dépoussiérée, etc., devraient être des priorités absolues pour tous.

Ceci suppose naturellement une critique systématique des propositions Attali où séparer le grain de la débureaucratisation nécessaire, de l’ivraie des appétits capitalistes mal camouflés.

La droite des Sarkozy, Fillon, Bolloré, Bouygues, Pinault, Dassault, Bouton, etc. n’est en rien fondée à le faire dans la mesure où elle refuse absolument d’envisager la remise en cause des tares inhérentes à l’organisation sociale présente. Son seul credo c’est l’éternel retour du divin passé capitaliste, c’est ne rien toucher au marché sauvage, au prélèvement de plus value extorquée, à l’élévation forcenée du taux de profit en constante déshérence, aux aliénations, aux manipulations idéologiques, à l’abêtissement audiovisuel et publicitaire du grand nombre, aux gâchis, à la folle fuite en avant mondialisée dans le monétarisme parasitaire et dans la course vers l’effondrement écologique prévisible, en conséquence du productivisme aveugle, de la foi dans le croissance quantitative, etc. Son attaque frontale contre les avantages acquis du secteur public ne vise qu’à ratisser les ultimes lambeaux de profit qui échappent encore aux dirigeants de la Société Générale et à leurs homologues pour qu’ils puissent jouer en toute quiétude à la roulette avec nos sous.

La gauche française n’est en rien fondée à critiquer le sarkozysme car elle n’a aucune politique de rechange crédible à lui opposer. Qu’elle soit modérée ou extrême, son attachement aux lobbies, à la défense tribuniciste des situations acquises, son invocation rituelle à un dieu unique, l’extension des services publics mille fois rabâchée, de Royal à Besancenot, rend totalement illusoire les solutions qu’elle propose. La France est malade à la fois et du capitalisme et de la bureaucratie étatique (50 % de la richesse nationale). C’était déjà le constat majeur du mouvement de mai 68 il y a déjà quarante ans ! Chacun des deux camps possède la moitié du diagnostic et du traitement et se refuse à dépasser cette contradiction. On le comprend de la part des nantis de droite, des gros actionnaires : abandonner leurs privilèges serait aussi fou - suicidaire - à leur yeux qu’à ceux de leurs ancêtres versaillais, si on excepte la folle et brève nuit de 4 août où les nobles abandonnèrent leurs privilèges sur l’autel de la nation. On n’en est pas là !

On comprend infiniment moins l’obstination de toutes les gauches à s’enfermer dans ce clientélisme facile (les cinq millions de fonctionnaires) et à confondre trop facilement la critique des paralysies bureaucratiques d’Etat, avec celle, faite par la droite par intérêt, de la péréquation sociale par l’Etat, au moins tant que les inégalités subsistent.

Besancenot, qui se croit en 1917, réclame l’embauche immédiate d’un million de fonctionnaires. Au secours, les Bolcheviks reviennent ! Il est légitime de défendre les avantages acquis par la fonction publique face aux offensives de l’actionnariat mais il est suicidaire de ne pas proposer aux Français une alternative réelle à l’aliénation étatique, parallèlement à l’autogestion qui doit remplacer l’oppression capitaliste.

Car le traitement des deux tares existe. Cela s’appelle l’autogestion. Toutes les exactions récentes du grand capital, ses désordres financiers, la menace qu’il fait peser sur la survie même de l’humanité dans la destruction programmée du globe, pourraient être ramenées à des pathologies sociétales soignables si les salariés conquéraient partout le droit de s’immiscer dans le traitement de leurs propres affaires de salariés, celles de la production dont ils sont la source unique, mais jalousement privatisée depuis deux siècles par les héritiers des divers accumulateurs du travail d’autrui. Des jalons historiques ont été posés notamment en France avec les comités d’entreprises de 1946. Dans une démarche prudente de révolution lente, progressive, l’extension des pouvoirs d’intervention, de sanction et de décision des CE s’impose pour en finir avec les dégraissages, les délocalisations, les spéculations irréfléchies, les détournements de toute nature ou les pertes de position sur le marché international..

Bien entendu l’autogestion n’est pas un remède miracle quand bien même Lip et un petit secteur de coopératives n’ont cessé de fonctionner correctement. Comme toute entreprise humaine, des distorsions se manifesteraient très tôt. Un long apprentissage serait nécessaire. Autogestion signifie d’abord gestion, à l’opposé d’un laxisme générateur de pénurie. Les salariés devront accéder à la maîtrise (à leur seul profit) des critères de bonne gouvernance. Les dirigeants apprendre à partager leur savoir et à se montrer convaincants. L’autogestion est inscrite dans la troisième ère de l’économie mondiale, fondée sur la connaissance partout répandue et partout gratuite. Celle-ci rend obsolète la dictature militaire au sein de l’entreprise qui conduit localement aux pires aberrations (Airbus, Générale, dégraissages boursiers, délocalisations, bulle monétaire in-maîtrisable, corruption, paradis fiscaux, etc.) et, globalement, à la disparition à terme de l’humanité toute entière (CO2, réchauffement, déforestation, pétrole, eau, etc.)

La seule question à propos du capitalisme contemporain est désormais : qui va gagner la course à l’abîme, la crise financière globale, la crise écologique et des matières premières, la montée des violences et des idéologies néo-fascisantes jusqu’à une guerre mondiale sans doute atomique pour le partage des ressources rares ?

Les exemples d’autogestion existante partiellement doivent être analysés sans crainte ni tabou. L’université qui décide souverainement de sa propre incapacité chronique en revendiquant les subsides automatiques de l’Etat n’est évidemment pas l’exemple le plus fracassant d’efficacité. La sécurité sociale, les HLM, la direction des municipalités, des départements, etc. offrent de multiples exemples d’écuries d’Augias qu’il conviendrait de réformer. Il faut à la fois l’exercice de la concurrence au sein du marché d’entités compétitives sous contrat d’Etat et une participation de salariés élus par d’autres branches aux directions de ces sociétés mixtes subventionnées par le public, sinon l’extension infinie de la gabegie règnera.

Les élections municipales pouvaient être l’occasion de ce débat vital. Comment réformer cette institution démocratique vieillie (1873) pour l’actualiser, rapprocher le citoyen de la décision permanente, la remettre en conformité avec la vitesse relationnelle, réactionnelle de l’économie moderne de la connaissance ? Empêcher l’édification des féodalités d’élus inamovibles, spécialistes des seules techniques de leur propre réélection, du mensonge, de la frime, des dynasties, de la corruption, assises sur des matelas bureaucratiques annihilant toute initiative féconde, obstacle au surgissement de tout effort créateur ? La représentativité aux élections municipales, base de l’ensemble de l’édifice républicain, devrait être partout la même sur tout le territoire national, à la ville comme à la campagne. Un taux unique de délégation de pouvoir devait être adopté, de un élu pour deux cents électeurs, par exemple, enracinés dans les quartiers. Ce qui obligerait l’élu révocable à rendre des comptes en permanence. Avec des systèmes pyramidaux de délégation de pouvoir en auto similarité, irrigués, vivants, contrôlant les décisions et leur application, remplaçant progressivement les services permanents, à vie, facteurs d’assoupissement définitif et de sclérose. Chacun sait qu’il faut être maire avant d’être député, l’assemblée nationale est donc tout aussi viciée que la Ville par le mode de suffrage insuffisamment participatif. Cela induirait une vie démocratique intense, de bas en haut, de haut en bas, la rotation des élus, la disparition des potentats, l’activité d’une foule informée et nombreuse de citoyens militants exerçant des responsabilités et activités bénévoles ou faiblement rétribuées, comme sous la Commune de Paris en 1871.

Le corollaire de l’autogestion c’est le dépérissement de l’Etat oppresseur dont on sent la nécessité objective croître partout dans le monde. Même les rares tenants de l’autogestion n’osent jamais prononcer ce mot tabou. Les nations les plus avancées socialement (Scandinavie) ont mis en place des solutions mixtes qui donnent satisfaction. La gauche doit pouvoir résoudre cette contradiction apparente : défendre les salariés des services publics, attaqués par les appétits insatiables des gros actionnaires sarkoziens, tout en proposant les solutions d’avenir crédibles auprès de la masse des Français, capables d’améliorer le fonctionnement des services, en les soustrayant à l’inertie napoléonnienne comme à la voracité profiteuse. Ce sont les Français eux-mêmes qui décideraient, de plus en plus près des questions.

Particulièrement affligeant est le spectacle donné par la gauche de la gauche. Elle est toujours enlisée dans les funestes fondrières creusées par Marchais et Mitterrand pour enterrer les idéaux de mai 68. Obnubilée par la démagogie, le tribunicisme, les solutions miracles de l’étatisation soviétique, la bureaucratisation politicienne, et le moins-disant rationnel, elle ne montre qu’un inlassable effort de mirmidons pour se hisser à la notoriété repue des ténors sociaux-démocrates du spectacle politicien, en se déchirant mutuellement jusqu’à l’agonie sans phrase de sectes microscopiques. Catalogue de toutes les revendications catégorielles proprement impossibles à satisfaire, chimères, combats d’appareils et d’arrière-garde, fonds de commerces écolos à courte vue, incantations contre le marché destructeur mais sans la moindre solution fiable de substitution en dehors des soviets, pis que le mal. Pour les anarchistes, l’enfermement aveugle dans une hostilité radicale à tout Etat, fut-il démocratique et débureaucratisé, ne peut déboucher que sur la régression à la barbarie quand tout commande de réintégrer une tradition anarchiste revisitée, un antiétatisme rationnel dans l’élaboration désormais crédible de solutions institutionnelles efficaces, grâce à une autogestion revisitée par la gouvernance, la diffusions sans précédent des connaissances, appuyée sur les technologies informatives contemporaines.

Créez donc un vaste rassemblement de toute la gauche, parti de tous les salariés, majoritaires dans ce pays, virez les chevaux de Troie introduits par l’adversaire, et débattez jusqu’à plus soif mais adoptez la seule stratégie qui contredise radicalement le sarkozysme de l’actionnariat : l’autogestion économique et politique, le dépérissement de l’Etat.

Jean Pierre Lefebvre est urbaniste.


Commentaires

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samedi 5 juillet 2008 à 09h19 - par  Jarre Pierre

Il est un peu hypocrite tout en faisant passer un message politique de tenter de glisser sous le manteau des contre vérités que l’on se garde bien d’argumenter : "les OGM multiplicateurs de rendement et solution au problème de la faim dans le monde". Hé bien non ! Encore de la propagande insidieuse qu’il ne faut pas avaler. Selon les rapports de la FAO et de l’ONU ; les plantes génétiquement modifiées n’offrent pas de meilleurs rendement que les conventionnelles, elles ne constituent pas un remède au problème de la malnutrition, bien au contraire elles nuisent à la sécurité alimentaire. Si l’on veut bien considérer le cadre voulu par la mondialisation l’utilisation des PGM dépend très largement des transports. Blé en Europe, maïs aux USA, colza en Amérique du Sud, riz en Asie et l’on fait transiter, sans permettre au pays en difficulté de sauvegarder leur souveraineté alimentaire.Ne concourez pas à l’établissement de ce scénario qui permet uniquement l’enrichissement de quelques multinationales sans scrupules (pléonasme). Le combat contre le passage en force des PGM est une résistance pour la biodiversité, la santé et l’autonomie des peuples, il ne mérite pas d’être caricaturé de façon lapidaire en deux lignes ;; ;Si vous n’êtes pas d’accord alors argumentez sérieusement au lieu de vous comporter en sectaire.

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