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L’IMPOLITIQUE ET LE BIEN COMMUN

Par Jacques Broda
mardi 12 août 2008
par  Jacques Broda
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« Dans le système de la Révolution française, ce qui est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire… Le plus grand écueil que nous avons à éviter n’est pas la ferveur du zèle, mais plutôt la lassitude du bien, et la peur de notre propre courage. » (*) Qu’est-ce qu’on attend ? Que se passe-t-il ? De quoi ce temps mort est-il fait ? Intervenir, intercepter le sens de l’apathie actuelle devient une obligation. Par deux fois, en deux lieux différents, colloque, conférence, j’ai avancé une analyse de la crise actuelle en termes de lutte des classes, d’appel à la résistance, j’ai restauré la figure du militant, de l’engagement subjectivant, désaliénant, créateur de sujets, par deux fois l’écho a été chaleureux, enthousiaste : « Enfin, cela fait longtemps que nous attendions une telle parole, un tel propos en forme d’appel. »

Il y a une attente, une écoute réelle à ce qui s’énonce du sujet en politique, une demande. Aller au fond des choses, au bout de l’analyse des réels, dénoncer les crimes présents n’est pas une « prise de tête », mais une « prise de conscience », qu’il est possible de dire, de vouloir, de faire, s’organiser. Lâcher prise, démissionner, renoncer aux réels et aux analyses transformatrices nous met tous en souffrance. La peur de notre propre courage est impolitique, laisser le temps filer est impolitique, attendre de l’autre le choix de son dire est impolitique, ne pas oser, s’effacer, raser les murs de la pensée est impolitique. Est impolitique tout ce qui est immoral, mais aussi tout ce qui ne contribue pas à la construction d’une nouvelle morale en politique, il s’agit d’une éthique. Les questions de la violence et de la riposte à la violence doivent faire l’objet d’un débat réel, concret. La peur gouverne, la peur de dire, d’entendre, de voir, de comprendre, pour de vrai, mais aussi la peur des conséquences de cette prise de conscience, en termes de responsabilité et d’engagement.

Le social-libéralisme fleurit sur ce terreau de compromis, il flatte la dénonciation, mais renonce à la révolution des rapports sociaux, fût-elle non violente, progressive, démocratique. Tout cela laisse un goût amer d’inachevé, d’impensé, d’impolitique. Et les gens en ont marre, de cette mascarade qui propose un référendum sur les OGM mais le refuse sur l’Europe ! On sent bien ce double balancier de la plainte, de la souffrance qui lève le voile sur l’injustice, et dans le même temps masque les causes de l’injustice, enterre les possibles du changement du réel, cette valse-hésitation dans laquelle nombre d’esprits s’engouffrent envoie dans le mur la dialectique de la transformation, en sa pensée. Une sorte de compromis névrotique, impolitique.

Briser ce carcan en appelle au courage et à l’enthousiasme. Le courage de mettre des mots sur des choses, de dire qu’elles ne sont pas inamovibles, et qu’il y a des chaînes de causalité, des rapports sociaux, et des pouvoirs à détruire ou à transformer. Le courage de chercher les mots, de creuser à chaque instant la meilleure adéquation entre le mot et la chose, et oser dévoiler le réel des processus en cours, mais aussi le réel des luttes pour le bien commun. Cette notion, nous devons la propulser, l’enrichir, l’épaissir de tous les droits, dans « bien commun », il y a « bien », au sens dépassé d’objet, de bien d’héritage, mais aussi de bonté. Le « bien commun », c’est aussi une communauté d’hommes construite autour, dans et pour le bien de tous. Cette notion se décline de la « moralité, de la justice et de la vérité » (valeurs défendues par la Première Internationale, 1868).

L’enthousiasme n’est pas sans rapport avec le divin, ici transport de joie dans l’action, énergie, motivation, désir, l’enthousiasme révolutionnaire nous oblige à sortir au plus vite du carcan névrotique dans lequel nous nous enfermons petit à petit à trop nous taire, nous complaire d’un état impolitique.

(*) Maximilien de Robespierre, discours à la Convention, 5 février 1794.

Cet article est paru dans l’Humanité du 21 juillet. Nous ne reproduisons généralement pas des articles parus ailleurs, sauf exceptions rares. Il s’agit donc d’une exception rare, compte tenu d’abord de la qualité de la réflexion, ensuite que Jacques Broda, sociologue, est un ami, enfin qu’il a vu d’un très bon œil d’être accueilli par la Banquise et la Gauche Cactus !


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