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L’Europe, Croisée des Chemins pour la Gauche

lundi 17 septembre 2012
par  João Silveirinho
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L’été gouvernemental « tranquille », au moins en apparence, au diapason de l’estivalité laissait croire (à ceux qui croient, au Cactus, on ne croit pas, on essaie de penser et c’est déjà beaucoup) à une douce apathie, favorable aux aménités entre les familles, vacancières elles aussi, de la gauche. On le vit presque confirmé aux sixièmes rencontres de Vent d’Ouest à Lorient, où plusieurs parlementaires et élus locaux issus des familles en question firent assaut de courtoisie, ce qui est honorable, en s’efforçant de moucheter leurs fleurets (pas de sabres), ce qui est dommage, et d’éviter en virevoltes les sujets qui pourraient fâcher. Oh, bien sûr, il y avait ce traité européen que François de Rugy, co-président du groupe EELV à l’Assemblée, trouvait difficile à avaler, lui qui pourtant n’avait rien trouvé à redire au projet constitutionnel de 2005, et qu’André Chassaigne, président du groupe rassemblant les députés front de gauche avec des élus ultramarins compagnons de route, trouva paisiblement inacceptable. Certes, d’aucuns, communistes du Front de Gauche, s’inquiétaient de la perspective d’une rigueur, ou austérité que le gouvernement n’avait pas encore dévoilée, et du décalage entre les urgences des attentes populaires et le relativement lent cheminement des propositions du nouveau gouvernement. Tous cependant faisaient crédit, pourfendant, non sans bon sens, le « mythe des cent jours » et s’efforçant, ou faisant semblant, de croire (rappel : au Cactus, on ne croit pas) qu’entre gens de bonne volonté, les familles de gauche trouveraient ensemble les bons compromis.

Les bons compromis, comme on dit au bistro, ça va pas être possible, là. Car les deux lignes principales qui caractérisent la gauche française ne se rapprochent pas. Président de la république en tête, le « réformisme », c’est-à-dire l’adaptation plus ou moins « sociale » de la société à l’économie de marché, a été réaffirmé. En est la marque l’acceptation, voire la revendication, de contraintes budgétaires privant la puissance publique, mais pas la finance privée, d’une part importante de ses moyens d’action. A ce sujet, le soutien « illimité » de la banque centrale européenne à l’euro via le rachat de dettes publiques des pays en difficulté est en fait un soutien « illimité » aux banques, donc à la finance, qui sont les détenteurs principaux des dettes publiques en questions, et pourront généreusement reprêter, à des taux gentiment rémunérateurs l’argent que la banque centrale leur a fourni à prix d’ami. Et, pour revenir aux enjeux plus strictement hexagonaux, ce n’est pas la création d’une banque nationale d’investissement, par ailleurs nécessaire, qui va faire trembler la finance. Plus généralement, les mesures gouvernementales « qui vont dans le bon sens », concernant par exemple le logement, l’éducation ou la santé, demeurent extrêmement timides par rapport aux attentes et aux nécessités. D’aucuns argüent que la situation économique ne permet pas davantage, d’autres qu’une concertation doit précéder l’action. On peut largement en douter. Est-ce la situation économique qui impose de ne s’attaquer qu’à la marge aux inégalités de nos concitoyens face à la santé, à l’éducation, au logement, ou bien plutôt la crainte de s’attaquer de front à des situations de rente protégées par des lobbies actifs ? Quant à la concertation, on peut se poser la question de la capacité des partis politiques à mesurer l’état de la société : les analyses des partenaires de la société dite civile, syndicats, associations et autres corps intermédiaires ne relèvent tout de même pas du secret-défense. C’est en fonction, notamment, de ces éléments que les propositions politiques soumises au choix des électeurs sont élaborées. La concertation post-électorale, dans ces conditions, ne devrait être qu’une phase de réglage final.

Mais, à quelques exceptions près, les partis politiques consacrent un temps limité à affuter leurs projets, et beaucoup plus à des questions d’appareil. L’hallucinant ballet socialiste autour de la succession de Martine Aubry en est une somptueuse illustration, mobilisant notamment des ministres, nombreux, dont le citoyen un peu naïf pourrait penser qu’ils ont d’autres choses à faire. La calamitueuse (ce n’est pas une faute de frappe) guerre de succession à l’UMP ne vaut pas mieux. En comparaison, les séances de capoeira (on s’affronte, mais on ne se touche pas) ou de platonisme (on s’aime, mais on s’embrasse pas) entre les partenaires du Front de Gauche sont presque rafraîchissantes.

Les récentes élections ont mis en évidence bien des trompe-l’œil : la droite (dans son ensemble, Front national inclus) a été battue, mais pas effondrée (donc la lutte continue). Le Parti Socialiste est majoritaire au parlement, mais pas dans le pays. Il demeure au sein de la gauche deux lignes, dont l’une (la gauche de la gauche) est minorée électoralement mais dont l’autre sait à l’occasion mesurer l’influence, ce qui explique, comme le rapporte la presse, que le Président de la République, « traumatisé », par le referendum de 2005 ne veut « à aucun prix » renouveler la chose. Car aujourd’hui, c’est bien le sujet européen qui est au cœur des années à venir, tant il cristallise l’ensemble des questions que se pose la gauche : quelle forme de démocratie voulons-nous ? Quel rôle pour la puissance publique, et pour le marché ? Quelles protections sociales ? Quels mécanismes institutionnels entre les états-nations et l’Europe ? Le débat, il y a bien longtemps qu’il n’est plus entre pro et anti européens (celui-là ne concerne que quelques anciens combattants), mais entre deux, et peut-être plus, conceptions de l’Europe. Tant qu’on ne permettra pas aux citoyens d’en débattre pour s’exprimer, tant que ce débat sera limité à la classe politico-économique, il polluera non seulement les relations entre organisations de gauche mais aussi, et c’est bien plus grave, la relation, fortement détériorée, entre gouvernants et gouvernés, entre peuple et représentants du peuple. Voilà pourquoi Jean-Luc Mélenchon, qui n’a pas toujours raison mais a rarement tort, fait bien, avec le Front de Gauche (et quelques socialistes) de proposer un referendum sur la question européenne. Question européenne qui vire au cauchemar dans les pays du sud, épuisés de privations. D’aucuns s’étonnent que le système ne soit pas dynamité par les peuples révoltés. Oui mais : Miguel Torga, l’un des grands écrivains portugais de la fin du siècle dernier, s’étonnait ainsi de la passivité du peuple de son pays : « C’est un phénomène curieux : le pays se dresse indigné, il marne toute la journée indigné, il mange, boit et se distrait indigné mais ne va pas plus loin. Il lui manque le romantisme civique de l’agression. Nous sommes, socialement, une collectivité pacifique de révoltés ».


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