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TRIBUNE : L’ISLAM ET LE MONDE OCCIDENTAL : LE POURQUOI D’UN CHOC

lundi 5 mai 2014
par  Jacques-Robert Simon
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Commençons par la fin : bien entendu l’islam est une religion comme les autres et il est facile de s’en rendre compte par un examen même superficiel des textes « sacrés ». Les sourates décrivent en premier lieu les devoirs de tout croyant : la foi, les prières, le jeûne, le pèlerinage, l’aumône. Une invitation à « être meilleur » par une certaine ascèse, des privations, le choix d’une voie qui ne prône pas les plaisirs, du moins ceux trop facilement accessibles. Cette démarche est facilitée par le dévouement à une forme non matérielle de pouvoir spirituel exprimée comme étant un dieu unique. Suit dans les textes une description du châtiment qu’ont subi les peuples qui ont refusé de croire aux messages divins. Les sourates dites médinoises sont des "ordres" qui tentent de poser les bases fondamentales d’une société nouvelle où les louanges vont à ceux qui combattent et meurent dans le djihad (lutte) sur le chemin de dieu, et où l’on combat les ennemis de l’islam. Cet aspect n’est pas absent des autres religions, dont celles liées à la chrétienté, mais le temps est passé qui a gommé les aspects les plus « rugueux » pour ne laisser subsister, au moins dans les dires, que l’amour du prochain. Il serait cependant pour le moins maladroit et erroné de proposer que l’islam se trouve à un état chronologique d’avancement qui correspondrait à des temps révolus de l’ère chrétienne. Il est (peut-être) plus judicieux de s’interroger sur le pourquoi politique et sociologique de cette résurgence du « sacré », ou du moins de certains de ses aspects, dans la vie quotidienne des nations Européennes. Ces aspects politiques ou, modestement à notre échelle, géostratégiques, seuls nous intéresseront. Les fondamentaux religieux de l’islam – la « croyance » en un au-delà en récompense d’une vie faite de sacrifices et de soumission en particulier- ne différent en rien des propositions des autres religions du « livre » (Ahl al-Kitab).

Des Français, qu’ils soient d’origine arabe ou pas, ont rejoint différents mouvements djihadistes de part le monde dès les années 1980. A cette époque les djihadistes avaient le soutien matériel, moral et financier des capitales occidentales et des pétromonarchies arabes (l’Arabie saoudite et le Qatar, plus particulièrement). Ils se proposaient de combattre à l’époque le communisme. Ce dernier ne représente plus guère une menace et l’ennemi s’est déplacé de nos jours, d’une façon pour le moins surprenante, du communisme au régime syrien. Le régime de Bachar el-Assad ne semble en effet pas celui qui veut exterminer avec le plus d’ardeur les communautés chrétiennes. Ce sont pourtant les Etats-Unis qui animent une alliance de pays arabes pour supporter matériellement des djihadistes qui tentent pour tous les moyens de se débarrasser de la tutelle de ce dirigeant non directement lié à une hiérarchie religieuse. Cette lutte est proclamée nécessaire au nom de la démocratie. Que la Syrie ne connaisse pas tous les délices de connaître l’alternance entre Républicains et Démocrates, qui peut en douter ? Mais existe-t-il d’autres raisons à ce combat ? La Syrie a depuis longtemps servi de base pour des combattants alimentant la guérilla anti-américaine en Irak ? Serait-on, en examinant cet aspect, plus proche des raisons du bellicisme affiché ?

Mais revenons à une page d’histoire, de celles qui demeurent inscrites pour toujours dans les livres tant est immense son importance ! Un matin de septembre 2001, dix-neuf terroristes détournent quatre avions de ligne. Deux des avions sont projetés sur les tours jumelles du World Trade Center et un troisième sur le Pentagone, siège du Département de la Défense, à Washington DC. Le quatrième avion s’écrasera en rase campagne après que certains passagers et des membres d’équipage aient tenté d’en reprendre le contrôle. Oussama Ben Laden déclarera ensuite en octobre 2004 : « Je vous le dis, Allah sait qu’il ne nous était pas venu à l’esprit de frapper les tours. Mais après qu’il fut devenu insupportable de voir l’oppression et la tyrannie de la coalition américano-israélienne contre notre peuple de Palestine et du Liban, j’ai alors eu cette idée. » Que la situation en Palestine puisse servir de point de cristallisation d’un conflit ou d’une guerre contre les Etats Unis et Israël peut être compréhensible.

La seconde guerre mondiale fut marquée par de telles atrocités, par la marque d ‘une si extrême barbarie, que les Nations devenues unies ont tenté d’exorciser par une action déterminée et marquante un nouvel accès de folie collective. Le peuple juif avait été atteint dans sa chair, il convenait de réparer cette monstruosité par quelque proposition qui permettrait une réparation, même partielle. L’état d’Israël fut ainsi créé ! Malencontreusement, le temps manquait pour obtenir l’agrément de tous et de chacun et en particulier des peuples qui résidaient dans les mêmes lieux que ceux convoités au titre de la « réparation ». Une hostilité sourde, pas toujours déclarée en guerre, allait s’installer entre deux communautés. Ce conflit peu à peu allait prendre la forme d’un conflit ou d’un choc des civilisations entre le monde islamique, ou au moins certains de ses adeptes, et le monde occidental. Le peuple juif avait toujours vécu, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de quiétude, « dilué » au sein d’autres communautés religieuses. L’apport de ceux-ci aux peuples hôtes fut toujours exceptionnellement riche en valeurs matérielles comme immatérielles. L’Europe aurait-elle pu se passer d’Einstein, de Primo Levi ou de Stefan Zweig ? Certainement pas ! Mais l’instillation d’une population devenue étrangère par le poids des ans au sein de ce qui était devenu la Palestine (فلسطين) n’aurait-elle pas dû suivre le chemin de la paix ? Le manque de temps, la précipitation n’ont pas permis cette approche. Mais cette paix ne pourrait-elle plus être atteinte maintenant, n’est-elle pas le seul moyen de vivre ensemble ?

C’est une évidence que la paix serait, et de loin, le meilleur moyen de diluer une communauté faible numériquement au sein d’une autre incomparablement plus nombreuse. La guerre ou une atmosphère de bellicisme ne peut que perpétuer un état de fait : un état nouvellement créé (ou recréé) qui se fait fort de préserver à tout prix sa culture, sa religion, sa façon de vivre, indépendamment de la population qui l’entoure et souvent contre elle. D’autre part, personne ne peut penser que les états dits occidentaux abandonneraient l’état d’Israël en cas de conflit ! Les pièces sont en place pour un « choc des civilisations ». Certains des croyants de l’Islam ont alors choisi ce qui semble une impasse : une déclaration de guerre à l’occident et à ses valeurs ? En dehors de l’injustice ressentie, en dehors de ce qui est vécu comme une humiliation d’un peuple par un autre, qu’est-ce qui peut engendrer une répulsion d’une telle violence même à l’extérieur des frontières des pays de tradition musulmane dominante ?

Je voyageais souvent en ex-Union soviétique avant la conduite de la perestroïka par Mikhaïl Gorbatchev qui provoqua en novembre 1989 la destruction du mur de Berlin puis l’ouverture des sociétés dites de l’Est vers les pays dits occidentaux. Lors de discussions, on me fit part très souvent que ce qui avait le plus étonné voire effaré les Allemands de l’Est lorsqu’ils découvrirent librement leurs équivalents de l’Ouest, c’était l’omniprésence du « sexe », sous toutes formes pourrait-on dire, sur les murs publicitaires, lors des émissions culturelles, en contrepoint des discussions, en illustration quasi-obsessionnelle de la plupart des films. Peu de temps après, ils purent constater que l’appât du gain et l’énivrance procurée par la possession, l’argent était la seule chose qui présentait le même caractère névrotique par comparaison à leur mode d’organisation collectivisé qui avait tenté de se passer de l’un et de laisser l’autre dans les recoins.

« Aspirante insouciance de verte énivrance sucrée flambée, enveloppée de son bleu nuage, je m’apaise et m’occis pourtant. » La vision que l’on a de soi-même et de l’organisation sociétale peut alors prendre un tout autre contour. Et si ce combat mené par certains contre les sociétés « occidentales » était plus lié à une violente révulsion contre ce qui semblait les dominer, le sexe et l’argent, qu’à la volonté d’installer partout et tout le temps une nouvelle religion, un nouveau dogme, une nouvelle société ? Et si préserver sa « pureté » des infamies les plus flagrantes des mœurs était le moteur de toutes les luttes, justifiait tous les élans même barbares, toujours inaboutis ? Que la rubrique « sexe » occupe une place d’importance dans les pays dits développés est une évidence. Les civilisations décadentes ont d’ailleurs toujours montré ce visage avant qu’elles ne disparaissent. Il peut sembler pour le moins étonnant que la classe politique s’empare d’une telle problématique déjà tellement présente dans le moindre des recoins des sociétés. Mais la raison profonde, c’est que les postulants élus souhaitent devenir des élus en bonne et due forme, tandis que les déjà élus souhaitent le rester. L’action la plus marquante des deux dernières années de pouvoir d’un gouvernement socialiste en France fut la légalisation du « mariage pour tous », formule généralement employée pour désigner l’institutionnalisation du mariage civil entre hommes et entre femmes. Cette problématique concerne directement 7000 couples qui se sont unis en 2013. Nombre énorme pour qui souhaite une couverture médiatique intense mais parfaitement insignifiant pour qui souhaite influer sur une société avec des ressorts purement politiques. Les « politiques » s’occupent de l’insignifiant car ils pensent que c’est ainsi qu’ils accéderont aux responsabilités.

Amasser de l’« argent » ou tout faire pour le conserver occupe également une place centrale dans les pays dit développés. Les écarts de niveau de vie en France se sont creusés ces dernières années, selon une enquête publiée par l’Insee. Ceci résulte d’une prétendue « modernisation » de la vie publique : le « collectif » doit céder sa place au volontarisme individuel. Par voie de conséquence, les revenus ont augmenté uniquement pour la moitié la plus aisée de la population, alors qu’ils ont reculé pour la troisième année consécutive pour la moitié la plus modeste. En période de tension, de restrictions, de demandes d’efforts de la part de dirigeants « responsable », ceci a un caractère surprenant. Sexe et argent : une occupation pour les uns, un but pour les autres. L’origine des répulsions apparaît alors clairement et c’est cette origine qui permet l’endoctrinement si aisé des laissés pour compte. Le « croyant » peut ainsi se transformer en « combattant » !

Le djihad qui représente l’effort du croyant pour lutter contre ses propres limitations de caractère, pour se surpasser, pour devenir meilleur, peut être obscurci par un autre aspect du djihad représentatif quant à lui d’un combat contre des infidèles emplis de vices. Mais ce qui sera le seul visible, la partie que l’on retiendra, ce qui fera titres et commentaires, c’est cette fraction des musulmans qui revendique une « pureté » que les occidentaux auraient perdus. Cette pureté auto-proclamée peut conduire une minorité aux actions les plus barbares et les plus violentes car ceux qui en sont possesseurs assument pleinement leur rôle de prophètes à la fois pour dénoncer les vices qui les environnent et pour annoncer la seule voie de salut possible selon eux, celle qu’ils suivent. La dénonciation des travers des sociétés dites démocratiques et occidentales n’est pas faite uniquement par les plus exaltés des musulmans. Il devient chaque jour plus clair que le système de choix des dirigeants par un mode d’élection tel qu’il est organisé actuellement a conduit à un spectacle propre à plaire aux électeurs plus qu’à satisfaire aux nécessités d’une collectivité, même si ces nécessités relèvent des besoins de justice ou d’efficacité. Les clés des sociétés ont donc été remises aux mains de possédants nommés par pudeur « investisseurs ». Ils ressuscitent des modes de pensée ancestraux que l’on croyait à jamais disparus : la possession des biens matériels donne le pouvoir aux uns, aux autres est laissé les « joies » de la chair. La seule question qui subsiste à ce propos est la suivante : comment un système démocratique peut-il se conformer à des valeurs - la liberté, l’égalité, la fraternité étant les vecteurs de base de l’espace correspondant – qui nécessitent de constants efforts et une pleine conscience citoyenne. Aucune réponse d’évidence ne peut être donnée. Cette absence de réponse conduit alors à des propositions relevant de la piété, de la croyance, de l’obéissance à des commandements qualifiés de divins.

La résurgence du « divin » dans la vie quotidienne peut être appréhendée par ces femmes jeunes et moins jeunes qui portent un voile islamique que l’on peut croiser de plus en plus souvent dans les rues de la plupart des grandes villes européennes. Le message semble clair : « je ne suis pas comme votre voisine, il est inutile de m’importuner par vos avances provocantes et déplacées ». Qu’il soit apparemment nécessaire d’arborer une tenue vestimentaire aussi distincte pour afficher un tel message peut sembler exagérer. Les vertus, les façons policées de se comporter, la « bonne éducation » ont-elles à ce point disparu des sociétés « occidentales » qu’il faille se démarquer des « autres » avec une telle ostentation ? Les valeurs morales sont-elles seulement inapparentes ou ont-elles disparu, dépassées par ce que l’on nomme « modernité » ? Mais la réponse à ces questions revient lancinante : et si une certaine « dépravation » des mœurs était offerte à ceux qui n’ont pas grand-chose des biens de ce monde afin qu’ils acceptent leur sort, les « possédants » accaparant sans partage le pouvoir réel bien loin des urnes et de l’expression démocratique des volontés ?

Cette réapparition de « croyants » serait-elle le signe d’une disparition ou au moins de l’affadissement concomitant des valeurs qui distinguent, en règle générale une société d’une horde tribale ? Après l’écroulement du communisme qui n’était peut-être que la continuation laïque des valeurs chrétiennes, est-ce qu’il survient l’engloutissement des systèmes démocratiques qui n’auraient pas su préserver des valeurs autres que celles qui permettent des jouissances immédiates ? Le spectacle qui semble maintenant indissociable du déroulement d’une élection laisse-t-il une place à autre chose que le choix entre deux facilités de vie plutôt qu’entre deux voies pavées d’efforts ?


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