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PEU D’EMOTIONS DANS LES MOTIONS

samedi 1er novembre 2008
par  João Silveirinho
popularité : 1%

Ces jours-ci, les adhérents du Parti Socialiste et du Parti Communiste se prononcent sur des textes d’orientation, nommées, pour le PS, motions. Pas plus de trois pages, m’a-t-on dit pour faire le tour des textes. La première étape est la plus pénible : lire les textes en question, qui ne sont jamais des chefs d’œuvre littéraires, écrits davantage à l’enclume qu’à la plume. Première réserve aussi : relativiser leur importance. Il en est de ces textes comme de l’amour « qui emporté par le vent va se perdre au loin », selon l’excellent poète Augusto de Sousa. Ne pas trop relativiser quand même, les textes d’orientation sont aussi une peinture d’un état d’un parti à un moment donné. Commençons donc l’exercice, avec le Parti Socialiste, chez qui six motions sont proposées aux militants.

La motion A, dite Delanoé, se situe dans le sillon de la social-démocratie, mâtinée de social-libéralisme. Beaucoup de principes généreux, pas toujours accompagnées de mesures concrètes, et le plus souvent arrêtées au milieu du gué. Exemples : c’est bien de dire qu’il faut fiscaliser les stock-options, ce serait mieux de dire qu’il faut les interdire, c’est bien, et ça ne mange pas de pain, de dire qu’il faut mettre la laïcité au cœur de notre société, ce serait mieux de dire comment (en multipliant les « places Jean-Paul II, comme cela fut fait à Paris ?), c’est une chose d’écrire que « ouistes » et « nonistes » du referendum européen doivent travailler ensemble, c’en est une autre de dire partout que l’alliance Aubry-Fabius (qui regroupe justement ouistes et nonistes) est contre nature, c’est bien beau d’affirmer qu’il faut limiter strictement le cumul des mandats électifs ( le PS le dit d’ailleurs depuis longtemps), ce serait mieux de préciser ces « limites ». Des exemples, il y aurait beaucoup d’autres, mais passons. Enfin, nous avons particulièrement apprécié la martiale volonté de lutter contre la « dérive présidentialiste » qui guette (guette seulement,) le PS. Venant d’un candidat déclaré à la haute fonction, cela nous fait pouffer.

La motion s’affirme « clairement réformiste ». Voilà qui est clair en effet, sauf, que réformiste ne veut pas dire grand’chose. Elle rejette aussi les alliances avec le centre et avec l’extrême gauche. Pour des raisons évidentes dans un cas (on voit mal un Besancenot « clairement réformiste ») et tactiques – opportunistes ? - dans l’autre : vu que Ségolène Royal semble pour un flirt, poussé, avec le Modem, soyons contre

La motion B, dite du « pôle écologique », reconnaît en clair les carences du PS, que la motion A ne signale qu’en creux. Et s’attaque avec l’enthousiasme des néophytes (rien dans le passé politique de la sénatrice Nicole Bricq ou du député Christophe Caresche, principaux signataires du texte, ne présupposait une telle passion pour l’environnement) à reprendre l’essentiel des propositions que font les Verts depuis qu’ils sont Verts. Les mauvaises langues diront sans doute qu’il y a de la récup’ dans l’air, mais nous ne mêlerons pas notre voix à celles de la rumeur vipérine. Cela dit, le fond politique est connu : c’est la crise environnementale qui est la mère de tous nos maux bien plus que le système économique ou social. Ou l’art de prendre l’effet pour la cause. Donc, faisons du développement durable (concept demeurant flou) à donf, et tout ira bien. Bien, on en doute, mais loin, sûrement pas.

Avec la motion C, site motion Hamon, on passe au moins un cran au dessus des précédentes (et des suivantes). Dans le style, d’abord : elle est presque bien écrite, bien mieux en tout cas que le plon-plomb des motions A et D et le brouillis de la motion B. Dans les constats ensuite, qui mettent clairement en lumière les faillites sarkozyennes. Dans le projet enfin, qui penche nettement vers un parti de la gauche, dépassant les formations existantes. Utopie ? Peut-être mais nous en avons bien besoin, d’utopie. La promotion du service public y est claire, la valorisation du travail par rapport au capital aussi. La motion n’échappe toutefois ni aux généralités (congénitale au genre), ni aux timidités (réorienter l’OMC, certes, la mettre sous tutelle de l’ONU, impératif…). Bref, mention assez bien.

Motion D, dite Aubry, ou Aubry-Fabius, comme vous préférez. On attendait le bébé de ce couple formé par la chantre du Oui et le héraut (tardif) du Non au referendum européen. On revient dans le lourd à l’aune du style. On y trouve quelques pépites (interdiction des stock-options pour les dirigeants, plafonnement des loyers « excessifs », mention de la taxe Tobin, même si c’est sans citer l’auteur…), et beaucoup de propos généraux, même si généreux. Manifestement, le mariage Aubry-Fabius a réussi une synthèse, notamment au sujet de l’Europe, qui ne semblait pas évidente. Comme toutes les synthèses, elle pêche par un certain conformisme. En bref, une motion plus timide que la motion C, plus musclée que la motion A, presque pile à mi-chemin des deux.

Si Gérard Collomb, maire de Lyon, en est le premier signataire et Vincent Peillon son éventuel candidat (semi déclaré) à la direction du PS, la motion E est plus connue comme la « motion Ségolène ». La plume est (un peu) plus légère que celles des motions A et D. les pros de la motion aussi. On y manie les formules (« passer de l’économie de l’imitation à l’économie de l’innovation ») sans leur donner toujours des contenus. On y privilégie l’économique davantage que le social. Il y a quelques bonnes idées (privilégier le contrôle judiciaire par rapport à la prison, par exemple) et beaucoup de flou. Et des frivolités (taxer les profits de Total, réalisés en bonne partie à l’étranger, alors que la question à poser est l’éventualité d’un pôle public de l’énergie). L’alliance avec le centre n’est pas exclue. Bref, la motion E gagne haut la main le prix de la motion la plus irréfléchie du congrès de Reims. Celui de la moins socialiste, au sens historique du terme, aussi.

Enfin, comme depuis quelques années, Utopia, la petite motion qui n’a pas peur des grandes, présente son texte. Un bon point, la citation de Shakespeare en exergue (« ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve »). On retrouve dans ce texte les propositions habituelles d’Utopia (association présente aussi chez les Verts, fortement influencée par les travaux de la philosophe Dominique Méda) : revenu universel d’existence, refus du nucléaire, refus du travail en tant que valeur. Une opportune analyse de la croissance permet à Utopia de ne pas verser dans le piège croissance contre décroissance et de parler plus correctement d’une altercroissance, sans toutefois convaincre quant aux moyens à utiliser pour y parvenir : la nécessaire utopie ne doit pas tomber dans une vision paradisiaque et presque champêtre, comme le laissent penser certains développements de la motion. Beaucoup plus conséquent que la motion du « pôle écologique » dans ses analyses sur l’environnement, le texte est sympathique. A la hauteur des enjeux de la crise actuelle ? Le compte (conte ?) n’y est pas.

Passons aux textes préparatoires au congrès du Parti Communiste. Si le temps n’est plus au texte unique approuvé à la quasi unanimité, il en reste quelque chose dans la méthode. Alors que le PS part de motions pour essayer, en fin de course, d’en tirer une synthèse, la démarche est inverse au PCF : on part d’une « base commune », donc une pré-synthèse, que les travaux des instances du parti sont supposés améliorer. Seuls les rétifs à la base commune présentent donc des textes alternatifs. Pourquoi pas, mais le système, comme celui du PS, laisse une large part aux soucis tactiques. Ainsi, pour le prochain congrès, outre la base commune, deux textes alternatifs sont proposés au vote des militants. Un quatrième texte, émanant des « communistes unitaires, n’est pas proposé au vote. Un autre, signé entre autres par Jean-Claude Gayssot, Marie-Pierre Vieu, Pierre Zarka (et incidemment notre directeur de la publication) est paru plus tard dans l’Humanité et ne sera pas non plus soumis au vote. On fait un petit tour ?

Comme toute synthèse, la base commune essaie de concilier des points de vue parfois fort différents. On gomme donc le plus possible d’aspérités, pour essayer de ne fâcher personne. Cela donne un texte où les idées généreuses ne manquent pas dans un fouillis parfois inextricable, et d’une prudence extrême sur ce qui est un enjeu majeur pour le PCF : sa transformation nécessaire pour éviter une marginalisation déjà sérieusement entamée. Le texte parle certes d’une « nécessaire et profonde transformation ». Chouette ! Laquelle ? Motus. Le parti doit rester le parti, et il faut un front de la gauche. Comme nécessaire et profonde transformation, on s’attendait à mieux.

Mais c’est déjà trop pour les deux textes alternatifs soumis au vote, l’un conduit entre autres par le député André Gérin, l’autre par le collectif Riposte. Ces deux textes sont jumeaux. Résumons : un, hors le marxisme, point de salut ; deux, le PCF doit rester le PCF et redevenir puissant. Comment ? En revenant à Marx. Sévères, très sévères avec Robert Hue puis Marie-George Buffet, plus encore avec ceux (les « rénovateurs) qu’un des textes qualifie de « liquidateurs » (c’est beau, la camaraderie), les auteurs des textes récusent bon nombre de réalités (par exemple, la disqualification (injuste, certes) du mot même de communisme dans une large frange de l’électorat, relativisent les échecs électoraux, imputés à un abandon de la perspective révolutionnaire par la direction du parti. Bref, ce qu’il faut, c’est en revenir à l’époque de Georges Marchais, aux bienfaits du centralisme démocratique, au rôle de guide de l’avant-garde du prolétariat. Cela gâche, et plus, des analyses intéressantes sur l’évolution du capitalisme. Dommage.

Quelques mots sur les deux textes non soumis au vote. Pourquoi ne pas avoir voulu les formuler en textes alternatifs ? Prudence par crainte d’un mauvais score ? Volonté de ne pas crisper les uns et les autres sur leurs positions ? Ils ont le mérite, l’un et l’autre, de ne pas s’enfermer dans le repliement du PCF sur lui-même, probablement mortifère. Les « unitaires » proposent nettement la création d’un nouveau parti, s’inspirant du Die Linke allemand. Les autres ne vont pas jusque là : ils demandent la prise en compte de toutes les options, et donc aussi d’un Die Linke à la française, dans la base commune. L’un et l’autre, contrairement à la base commune qui embrasse (mollement on l’a vu) l’ensemble de la problématique politique, sont, on le constate, très centrés sur l’avenir du PCF en tant qu’outil politique. Le texte Vieu-Gayssot se lit plutôt comme un amendement proposé à la base commune. Celui des rénovateurs est nettement critique vis-à-vis de ladite base.

Au final, il n’est guère risqué de parier que la base commune sera adoptée à une très large majorité (qui plus est, le bulletin de vote ne prévoit pas de possibilité d’abstention). Deux questions : combien de communistes se déplaceront pour voter ? Ces textes sont-ils à la hauteur des enjeux de la gauche ? Que ceux qui pensent que les deux questions sont liées nous écrivent, ils ont gagné. Et espérons que les « vrais » débats commenceront après un vote, finalement, de routine

Certains trouveront peut-être ce bref tour d’horizon trop critique, d’autres trop bienveillant. Ce serait la preuve de notre équanimité.


Commentaires

Logo de maurice
jeudi 6 novembre 2008 à 15h05 - par  maurice

les analyses sont très importantes,dont celle de Joao.
pour te répondre JMH : et si tu adhérais au M’Pep ... très complémentaire au Cactus !

voir : http://www.m-pep.org

fraternellement
maurice

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lundi 3 novembre 2008 à 22h52 - par  km1883

Dans les élections ordinaires, il y a quelque chose de spécial pour s’abstenir sur les bulletins.

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lundi 3 novembre 2008 à 20h54 - par  Jean-Luc Gonneau

Mais c’est très bien , le Cactus !

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lundi 3 novembre 2008 à 01h13 - par  JMH

D’accord Joao. Bon maintenant, j’adhère où, à part le Cactus ? Au NPA ?

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