VERS UN FRONT DE FRANCE ?

vendredi 6 mai 2011
par  Michel Pillier
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2012 ? Une présidentielle ? Et après ? Pour le centième numéro de la Banquise, un regard Père Cent s’impose. Or, que voit-on ? Le « Président des riches(1) » semble en mauvaise posture. Il en a trop fait pour une minorité de privilégiés, et avec trop d’ostentation, pour que ses efforts dérisoires en vue de redresser son image puissent encore être efficaces. Même sa guerre alibye(2) n’a pas permis de resserrer les rangs autour de lui. Le sarkozysme tangente le fond du trou. Au point que les riches eux-mêmes décident de s’appuyer sur la seconde branche de l’UM-PS. A grands coups de manipulations sondagières dans les médias à leur solde, ils suggèrent qu’un bon DSK vaut mieux qu’un mauvais Sarko. L’alternance du pareil au même est en marche. Pour faire quoi ? Comme au temps de l’affaire Dreyfus, la question ne sera pas posée. Car, même avec de fortes lunettes, on ne discerne rien dans les propositions socialistes qui puisse laisser penser qu’ils ont pris la mesure des causes de la crise politique à résoudre. D’ailleurs, comment le pourraient-ils alors qu’ils s’accrochent à une vision de l’Europe rejetée par le peuple et rendue caduque par la crise de l’euro ? Comment le pourraient-ils alors que l’idéal d’émancipation socialiste de naguère a été génétiquement modifié pour devenir OMC compatible et FMI compatible ?

Dans les années 50, la SFIO prétendait que les communistes n’étaient pas à gauche, mais à l’est. Le compliment se retourne, tellement les socialistes d’aujourd’hui sont à l’ouest, dans tous les sens qu’on puisse donner à cette expression. Comme Vladimir et Estragon dans la pièce de Beckett, ils attendent Godot. Le sauveur d’outre atlantique viendra-t-il ? On le saura dans l’acte 2, identique, à peu de choses près, à l’acte 1. En attendant, ils jouent à la primaire, pour passer le temps. Ainsi va la vie au pays de ce que Jean-Pierre Chevènement appelait autrefois « la gauche américaine ». Or, les citoyens de ce pays sont las de l’affrontement factice entre une vraie droite néolibérale et la fausse gauche du même métal. Ceux qui n’ont pas encore déserté le terrain électoral expriment leur ras-le-bol par un vote front national ou, dans une moindre mesure, front de gauche. Ces deux populismes (3) forts en gueule savent mettre le doigt là où ça fait mal, même si leur manque de propositions crédibles n’échappe pas à un regard exercé.

Pour sortir de ce théâtre de l’absurde, il faut un Front de France ! « Qu’entendez-vous par là ? » aurait demandé Pierre Dac. J’y viens…

J’appelle Front de France la révolution citoyenne qui pourrait intervenir si la protestation résignée exprimée dans l’abstention et les votes extrêmes se convertissait en un mouvement positif pour un projet démocratique de refondation de la nation républicaine face au néolibéralisme. Pour que ce « mouvement d’en bas » se structure et s’organise, il faut bien évidemment qu’il rencontre « par en haut » une offre politique radicalement différente… A cette condition, un espace politique beaucoup plus large qu’on ne croit pourrait s’ouvrir. Car les français ont bien compris qu’il n’y a de mondialisation heureuse que pour les privilégiés. Ils ont parfaitement réalisé que l’européisme et le sans-frontiérisme dont les partis libéraux, de droite ou de gauche, leur ont rebattu les oreilles depuis 30 ans fonctionnent en leur défaveur. Ils savent que « l’économie ouverte où la concurrence est libre » conduit au chômage, aux délocalisations et au déclassement. Ils sont entrés dans une résistance passive qui pourrait devenir active. Ils ne veulent pas seulement changer de président, ils veulent changer les règles du jeu. Seul parmi les candidats putatifs du PS, Arnaud Montebourg propose un projet de démondialisation et de réorientation européenne susceptible de répondre au moins partiellement à cette attente. Mais ses chances de parvenir à une vraie candidature sont minces.

Il y aurait beaucoup de bonnes choses dans le front de gauche s’il comprenait mieux la nécessité de défendre la nation républicaine comme jadis le PCF avec « l’union du peuple de France ». Mais cela est bien loin. Alors, « la France est-elle finie ?(4) » , interroge Jean-Pierre Chevènement en titre de son dernier livre. Bien sûr que non ! C’est même pour sortir de cette résignation qu’il invite à se rassembler. JPC en candidat du Front de France ? Ca se discute. L’âge du capitaine ne constitue pas un handicap. Au contraire, en période de forte houle, il faut à la tête du navire un homme d’expérience et de conviction. Par gros temps, mieux vaut éviter la marine d’eau douce et la Marine Le Pen. JPC possède les qualités d’homme d’état nécessaires pour fixer le cap et prendre la direction du paquebot France. Mais le souhaite-t-il ? Et peut-il entraîner les citoyens dans un nouveau projet politique ? Bref, va-t-on vers un Front de France ? Ce n’est pas écrit, mais c’est souhaitable. Sinon, alternance ou pas, 2012 sera une année triste.

(1) Le président des riches – Michel Pinçont et Monique Pinçont-Charlot – édition Zones

(2) La Libye apparaît d’autant mieux comme un alibi que rien n’est fait contre les massacres perpétrés par Assad en Syrie, par exemple.

(3) Je ne mets pas ces deux populismes dans le même sac et j’emploie le mot sans intention péjorative, car s’adresser au peuple me paraît plutôt naturel en démocratie. Cependant, l’excès de démagogie peut nuire…

(4)« La France est-elle finie ? », J-P Chevènement, Grasset, janvier 2011. Le meilleur livre de JPC depuis longtemps.


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