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TRIBUNE LIBRE : LE PEUPLE OU L’OLIGARCHIE ?

jeudi 10 novembre 2011
par  Jean-Pierre Lefebvre
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En cette fin de 2011, deux évènements majeurs : la crise européenne et la primaire du PS. Avec la désignation de Hollande par un déni démocratique, la France s’engage dans une fausse démocratie à l’américaine manipulée par l’oligarchie du CAC 40. C’est bien l’appareil médiatique qu’il contrôle qui a choisi et formaté, à la place du peuple, le candidat situé à la droite du PS et par conséquent capable de gérer au mieux leurs privilèges. Après les échecs de Ségolène et DSK, précédents artefacts de l’oligarchie, l’homme d’Etat introuvable, incolore et inodore, est assuré d’être élu contre Sarkozy qui cristallise contre lui les victimes de la crise financière du système. Le score de Montebourg fut pourtant l’écho du puissant désir de changement de la base mais l’étonnante volte face de ce dernier, mêlant ses suffrages à ceux de Vals, a ruiné ces espoirs en refermant une porte historique. La gauche de la gauche, en refusant de se mêler de la primaire socialiste par courte vue électoraliste, a laissé faire. La rançon est que nous aurons fatalement le plus mauvais candidat possible au deuxième tour de la présidentielle quand ce n’était pas céder aux illusions réformistes que de soutenir la moins mauvaise, celle au moins qui, soutenue par la gauche socialiste d’Emmanuelli et Hamon, avait fait la précieuse RTT et la CMU. Mis en présence d’une forte poussée de l’extrême gauche, ils pouvaient contribuer à ouvrir d’autres perspectives sociales, au contraire de Hollande qui n’a cessé de proclamer son enthousiasme en faveur de l’austérité pour les salariés, son respect religieux du capitalisme obsolète comme de la lourdeur des appareils étatiques (embauche des 60 000 enseignants).

On peut donc tout craindre de sa réponse à la crise déclenchée par le refinancement des Etats lourdement déficitaires. Ceux-ci ont été mis en danger il y a trois ans par le renflouement sans aucune contrepartie par l’argent public des banques atteintes par l’explosion de la bulle financière pourrie. Il faut maintenant régler les comptes quand aucune des mesures fortes de régulation du marché, conseillées notamment par le prix Nobel Stieglitz, n’a été prise pour empêcher une spéculation fatale. Celle-ci s’obstine à maintenir désespérément des gains artificiels dépourvus d’assise réelle en valeur d’usage, quand l’inéluctable diminution du taux de profit, elle-même due à l’industrialisation, la condamne. Elle prépare ainsi la prochaine explosion catastrophique. Point culminant du cynisme, ce sont les mêmes agences de notation américaines, celles qui avaient encouragé aux actions pourries, aux paradis fiscaux, aux bonus et dividendes scandaleux, à la course à l’abîme des bourses, aux produits dérivés sans contre valeur réelle, à la folie des prêts insolvables, aux dépenses hors bilans officiels, qui spéculent désormais contre ces Etats dont l’action leur avait pourtant évité la faillite. Ils exigent que ceux-ci, en toute absurdité, rançonnent davantage leur peuple quand chacun sait que l’austérité généralisée tuera l’activité et l’emploi et précipitera le monde dans une spirale d’irrémédiable récession.

Se rajoute le problème dirimant de l’absence de rigueur de gestion de certains Etats européens puisqu’on ne peut faire comme si leurs dettes n’existaient pas quand bien même la fuite en avant dans l’emprunt a été encouragée par les mêmes banques, les mêmes agences de notation, les mêmes bourses. Les USA en sont les modèles planétaires qui, utilisant le dollar comme unique monnaie d’échange mondiale et recourant à la planche à billets pour financer leur dette, font comme si leurs propres désindustrialisation et surconsommation ne les concernaient pas. Ils vivent au crédit des peuples du monde entier en accumulant une dette monstrueuse mais ce sont leurs agences de notation qui attaquent désormais l’Euro en tuant la Grèce, avant le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la France ! Paroxysme du cynisme voyou !

Les solutions existent : arraisonner les banques, séparer leurs activités de gestion et de spéculation, interdire les prêts pourris, les bonus, les paradis fiscaux, toute la cavalerie escroque. Mais l’administration de ces remèdes par l’Etat - si même il en avait la volonté - poserait un nouveau problème : le keynésianisme, l’intervention massive de l’Etat providence, a bien eu lieu, de 1945 à 1980, il a certes entraîné une progression des PIB et un relatif progrès social au Nord mais, en même temps, il a accru la charge bureaucratique des prélèvements publics, sans pouvoir empêcher la montée fatale de l’hyper-libéralisme des années quatre-vingt. Rien ne garantit contre le renouvellement d’un cycle aussi calamiteux.

L’écologie en péril pose des problèmes complémentaires tout aussi dramatiques. La croissance continue du XXe siècle ne constitue plus la panacée : il faudrait les ressources de cinq planètes pour que chaque terrien misérable atteigne le niveau de vie américain du nord. Les conditions de la simple survie se dégradent pour 7 milliards de terriens dont deux sont en infra vie, ils seront bientôt dix milliards à s’entasser dans des mégapoles invivables quand l’air, l’eau, la faune, la flore, les matières premières, les sources d’énergie s’épuisent ! Le problème posé est donc bien celui du remplacement du capitalisme prédateur. Il a fait son temps, au moins dans les nations développées où le niveau de satisfaction des citoyens a cessé de suivre l’augmentation quantitative du PIB. Pour instituer le nécessaire contrôle des banques et de l’économie, on ne peut plus passer par les emplâtres étatiques, bureaucratiques, coûteux et inefficaces, on ne peut plus se passer d’une refondation profonde du système productif comme du système politique en les débarrassant à terme du droit divin de l’oligarchie, de sa manipulation publicitaire, en recourant au contraire à l’intervention directe, à la source, de citoyens de mieux en mieux cultivés pour le faire. La piste existe. Celle d’une mise en place progressive de l’autogestion. Repartir de l’institution des comités d’entreprise ou des comités de surveillance en 1946 qui peuvent, dûment réformés, avec des compétences élargies à toute la gouvernance de l’entreprise, participer à la direction des entreprises, en économisant les appareils bureaucratiques d’Etat parasitaires et inefficaces. Déjà, 10% de l’économie française est régie par des SCOP en bonne santé. Pour ce qui concerne les banques, le contrôle de l’application des mesures Stieglitz devrait être remis à des conseils de surveillance élus par les usagers (titulaires de comptes) et par les salariés de la banque disposant d’un droit de veto.

La France économique souffre de deux maux particuliers, outre la désindustrialisation et la faible compétitivité à l’exportation. En vingt ans, 10 % du PIB ont été transférés du salariat à l’actionnariat. Cette situation, jointe à l’immense masse de réserve des sans travail ou des sous payés du Sud, provoque la sous consommation, la désindustrialisation, un chômage chronique et la crise de suraccumulation financière. Sans acheteurs solvables, pas de production durable ! Autre maladie chronique nationale : nos prélèvements publics sont de 10 points de PIB supérieurs à la moyenne européenne. La décision de Sarkozy de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux retraités n’a pas conduit aux économies correspondantes, le système bureaucratique impavide reprenant d’une autre main ce qu’on lui avait pris ! Le meilleur des gouvernements de gauche de la gauche serait obligé de venir à bout de ces deux insupportables boulets. En Allemagne, cela semble pour l’instant mieux se passer (et, avec des nuances, en Hollande, Scandinavie, Autriche…), la balance commerciale est largement positive. La cogestion installée chez eux (conseils de surveillance avec droit de veto sur les décisions sous différentes modalités), si elle n’a pas mis fin au capitalisme déglingué, permet néanmoins aux salariés de peser plus fort sur les décisions patronales. C’est un facteur parmi d’autres (outre l’efficience de la gouvernance industrielle et des formations, comparée à la nôtre) de leur bonne tenue économique et financière. Bien entendu, il existe dans la cogestion un risque non négligeable que les patrons endorment leurs salariés mais la lutte vigilante, la formation permanente au civisme, adaptées à chaque étape du long processus opposeraient un vigoureux antidote. L’issue de rechange serait donc de migrer de la cogestion vers un socialisme autogestionnaire, en partant de l’existant, en fuyant comme la peste le renforcement des services publics, rabâché par les corporatistes irresponsables et qui ne conduirait qu’à l’enlisement laxiste voire au danger totalitaire.

Il s’agit d’instituer une cogestion active, à la manière de nos voisins, extensible à toutes les sphères de la production de biens et de services, y compris ceux qui sont encore aujourd’hui fonctionnarisés. Mais ici, à ce stade historique, cette cogestion devrait être, contrairement à la leur, évolutive, et, selon le niveau de la prise de conscience des salariés (92 % des actifs, aussi majoritaires en bas que totalement minoritaires en haut), migrer vers une autogestion basiste, radicale, tenue par la rigueur de gestion et la recherche d’une automation généralisée en faveur de la baisse des prix de revient, afin de résister à la concurrence des produits du Sud et de protections douanières provisoires, ciblées, astucieuses. La RTT, la protection écologique, un nouvel environnement urbain aimable à vivre, un meilleur partage, devraient devenir les moteurs centraux du développement. L’autogestion pourrait s’opposer efficacement aux délocalisations. Un tel processus impliquerait à terme l’affaiblissement progressif de l’hérédité des moyens de production (par une fiscalité appropriée), son remplacement par la propriété sociale des producteurs eux-mêmes. L’automation systématiquement encouragée permettrait de lutter contre les dumpings du Sud en pointant l’effort vers la RTT plus que vers le gavage en gadgets et la croissance quantitative aveugle comme dogme.

La réforme des institutions devrait être engagée parallèlement pour redonner tout le pouvoir aux citoyens, indignés ou pas. Une réflexion sur la Constitution s’impose. Plutôt qu’être fixiste, pétrifiée, en vue de conserver les intérêts des nantis, elle devrait se faire adaptable, évolutive, pour cristalliser chaque progrès de la démocratie basiste, de mieux en mieux sophistiquée et partagée. Elle conserverait un marché concurrentiel (avec une publicité lentement substituée par les avis d’ONG spécialisées) pour l’essentiel des marchandises. Ainsi des modalités des processus électoraux à tous les niveaux, en partant de la base, des quartiers, où, les Présidentielles une fois supprimées, l’essentiel du pouvoir réel devrait résider dans une pyramide de la délégation de pouvoir, vivante, autocontrôlée, en renouvellement permanent et dont l’intervention multiforme permettrait d’éviter les appareils d’Etat incontrôlables et ruineux. Le principe des proportionnelles, partout un élu pour deux cents électeurs, constituerait un vivier de centaines de milliers d’intervenants bénévoles, dûment formés, agissant dans la proximité mais contrôlant aussi tous les rouages de l’économie comme d’un Etat en voie de dépérissement. Un tel programme devrait être vendu à l’Europe indignée afin qu’elle ouvre un pôle de résistance efficace aux incertitudes délétères d’un monde vacillant, menacé partout par la crise versus la fuite en avant totalitaire. Cela suppose que ces thèmes deviennent le bien de la majorité des salariés, des électeurs et adhérents du Front de gauche comme du PS puis, sur ces bases, que Joly rougisse un peu, que Mélenchon fasse 15 % et que même Hollande y aille, fut-ce à reculons ! Ambitieux programme ! La Grèce refuse de se faire assassiner par les marchés : aucune chance pour qu’un peuple européen n’accepte l’austérité si celle-ci n’est pas équilibrée par une mise à la raison simultanée de l’oligarchie, par la montée du contrôle populaire d’en bas sur ses exactions suicidaires. En France, échangeons les 10 % de la surcharge bureaucratique du PIB contre ceux de la surcharge des prélèvements oligarchiques ! Donnant, donnant !

A paraître chez L’Harmattan en décembre, le développement de ces idées : Décidez vous-mêmes ! Programme d’autogestion et de dépérissement de l’Etat, de J-P Lefebvre


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