BARBARA BOULEY FAIT (BIEN) DU CINEMA
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Nous avons déjà accueilli dans nos colonnes des textes de Barbara Bouley, et nous avons, modestement, relayé ses inlassables efforts contre la « réforme » du spectacle vivant émanant du ministère de la Culture. Metteur en scène, actrice, elle vient de réaliser son premier film.
D’aucuns de celles et ceux qui ont croisé Barbara Bouley ont pu penser que la dame ne manquait pas de toupet. Nous préférons dire : de panache. Une nouvelle preuve : son film, présenté en première vision dans le cadre du premier congrès international d’études pasoliniennes, tenu à l’Université Denis Diderot. Rien que le titre, déjà, intrigue, interroge, intéresse ou rebute, suivant les cas : « Et maintenant, la quatrième partie de la trilogie commence ». Bien sur, le lecteur fidèle de la Banquise et du Cactus, lettré, forcément lettré, aura compris en un clin d’œil qu’il s’agit de la trilogie d’Eschyle, que Pasolini traduisit. Mais hélas, tout le monde, chose infiniment regrettable, ne lit pas assidûment nos publications.
Voila donc Barbara Bouley partie à la recherche d’Eschyle, de Pasolini, dans ce qu’elle nomme un film collage. Retour sur lieux, témoignages, visions de spectacles, collisions entre tragédie eschylienne, démarche pasolinienne et séquences d’actualités télévisées ou filmées, textes de Barbara Bouley : des ingrédients apparemment épars dont elle sait tirer une épatante unité. Les témoins, qu’ils soient universitaire, journaliste, comédien, père jésuite même, ne disent rien d’inutile, ne cherchent pas un instant à tirer la couverture à eux, bref, le contraire des blablas qui meublent nos programmes de télévision. L’enchaînement des séquences, les collisions avec l’actualité montrent l’évidence de l’enjeu politique derrière le poétique, non pas masqué par le poète, mais au contraire mis en valeur dans les démarches d’Eschyle et de Pasolini. Les textes, de belle tenue littéraire, de Barbara Bouley, les mises en rapports avec les époques, antiquité, Italie post-fasciste ou pré-berlusconnienne illustrent la permanence du combat du faible contre le fort, de la femme pour conquérir sa dignité, de l’art comme projet global, garant de la vie contre la mort, projet esthétique, bien sur, projet politique, toujours.
Un critique pusillanime peut certes trouver à redire à quelques cadrages un brin carte postale. Un observateur pointilleux peut regimber sur le « bougé » de la caméra filmant rues et immeubles de Rome, peut-être pour évoquer les secousses de la société marchande (1). Un esthète de l’art peut regretter que le procéder de retour en arrière soit utilisé par deux fois (une eût suffi), (Un président de la République renâclerait sans doute devant l’absence au générique de Jean Reno et Christian Clavier ou d’une chanson de Carla B., pourtant italienne comme Pasolini). Quelques peccadilles, quelques secondes dans une heure forte, c’est bien véniel.
« Et maintenant, la quatrième partie de la trilogie commence », présenté depuis lors du Festival d’Avignon, va tourner dans plusieurs universités italiennes, et sans doute françaises. Nos salles de cinéma, nos chaînes de télévision (enfin, celles non programmées par le président de la République) seraient bien inspirées en projetant cette œuvre, qui l’est aussi.
(1) L’observateur pointilleux en sera pour ses frais : une version retravaillée a fait disparaître le « bougé ».
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