Jean-Pierre Chevènement a annoncé son ralliement à Ségolène Royal. Surprise ? Pas vraiment, puisque des négociations antérieures n’avaient pas abouti pour cause d’insuffisance de sièges de députés. Nous y reviendrons.

Mais, comme je suis un peu conservateur (de papier), j’ai relu avec la plus grande attention sa profession de foi de candidat en 2002 en y cherchant ce qui avait pu changer depuis et qui justifierais ce revirement. Je cite quelques exemples : « Il y a ceux qui sont au pouvoir depuis sept et cinq ans. Il y a ceux qui protestent et ne proposent rien. Avec ceux-là, rien ne pourra changer. », « Ceux qui nous dirigent ont laissé s’installer une mondialisation sans règles, qui conduit à la dictature des marchés financiers et à l’effacement de la souveraineté populaire », « L’Ecole sera rappelée à ses missions : transmettre les savoirs et les valeurs ; former des citoyens. Les enseignants seront confortés dans leur rôle. » , « Le niveau des retraites et l’avenir de leur régime seront préservés de la voracité des fonds de pension et je veillerai au maintien du principe de la répartition. », « Le service public sera modernisé et non démantelé. », « Ceux qui gouvernent ne pensent qu’à maintenir leur pouvoir ; ils se succèdent aux affaires et font, sur l’essentiel, les mêmes choix d’abandon. », « Vous avez la possibilité de sortir du perpétuel affrontement du pareil au même. »

C’est du passé me direz-vous. Certes. Mais il se trouve que le 28 novembre 2006, lors de l’annonce de sa candidature, il a repris les mêmes thèmes qu’il y a cinq ans, en ménageant néanmoins quelque peu Ségolène Royal. On n’est jamais trop prudent. Ce texte a curieusement disparu du site du MRC, mais comme, un peu par hasard, je l’ai imprimé, je vous en cite quelques phrases de la première page. Allez, un peu de courage, juste un bout de paragraphe : « Puis j’ai pris connaissance dans le détail du projet du PS et j’en ai conçu de fortes inquiétudes pour l’avenir de notre pays. Le projet du PS évoque en effet un nouveau traité constitutionnel européen. Il n’est pas au clair sur la manière de relancer l’économie ni de réorienter l’Europe. Son analyse de la politique américaine est on ne peut plus superficielle. Quand on a dit : « L’atlantisme à la britannique est une impasse. L’antiaméricanisme de principe est une impasse », on n’a rien dit du tout. Sur les crises du Moyen-Orient, la faiblesse de l’analyse conduirait, je le crains, à une politique de suivisme à l’égard de la diplomatie américaine, avec tous les risques que cela peut comporter pour la France. De même, sur des sujets très importants comme la sécurité et l’Ecole, le PS est encore très loin d’être au clair avec lui-même. Quant aux propositions faites en matière institutionnelle, elles sont à mon sens dangereuses, car elles conduiraient non à revaloriser le Parlement mais à un régime d’assemblée qui, par un effet boomerang, ouvrirait la voie à une réaction autoritaire. Que dire enfin de la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales et minoritaires qui, si elle était adoptée, aboutirait, par leur co-officialisation dans l’espace public, à une fragmentation de celui-ci et constituerait un coup porté à la démocratie et à l’unité de la République ? » Il y en a 21 pages !

Après avoir fustigé l’orientation libérale du PS, ses positions sur l’Europe, le oui au traité constitutionnel, la relance de l’Europe à partir des régions d’où la remise en cause de l’idée de nation, la remise en cause de la carte scolaire, les propositions en matière de politique étrangère, l’alignement sur Washington, j’en passe et des meilleures, bref, toutes étant aux antipodes des idées républicaines que défendaient Chevènement, ce ralliement est pour le moins surprenant, d’autant plus que le PS n’a eu de cesse de descendre en flammes le MRC depuis 2002. Les raisons de ce revirement ne peuvent donc être que très bassement politiciennes. Chevènement vient de vendre son âme au diable. Un accord pour les législatives qui permettra au MRC d’obtenir quelques modestes circonscriptions, dont celle de Belfort (eh, eh, comme par hasard...), et peut-être, même sans doute, un portefeuille ministériel. C’est qu’il faut savoir que c’est très intéressant d’être ministre. Ne fut-ce que trois jours ! L’indemnité est versée pour toute la législature...Et comme il est quand même le recordman de la démission, on peut s’y attendre assez rapidement. On ne savait plus très bien s’il était « au-dessus de la droite ou de la gauche » ou « ailleurs » mais, en tout cas, il s’est égaré. Ça, c’est sûr. Autre certitude, il vient de perdre le respect que j’avais pour lui.