REGARDS SUR LE PCF
par
popularité : 1%
C’est une drôle d’histoire que le Parti Communiste est en train de vivre. Instigateur principal d’un rassemblement de la gauche alternative au libéralisme à la suite de la victoire du Non au référendum européen, ayant donné des gages d’ouverture à la société civile, certes limitées selon les régions, lors des élections régionale et européenne, partagé quasi fraternellement son temps de parole télévisée lors de la campagne référendaire avec d’autres partis privés de cet accès aux médias, il estime à bon droit de proposer une candidate unitaire à la prochaine élection présidentielle. Et voilà qu’une partie de la gauche alternative lui conteste cette proposition. Le PCF met pourtant beaucoup dans la balance : les fameuses 500 signatures nécessaires à une candidature, lui seul, à gauche du PS, les a sans incertitude. Le financement, il est capable de le mobiliser. Il met sans barguigner ses locaux à disposition autant que de besoin pour les réunions de la gauche alterlibérale. La candidate, Marie-George Buffet a des qualités que personne ne conteste. Et malgré tout ça, ça râle. De quoi être dégoûté. Imaginez que vous recevez des amis, leur offrez le boire et le manger, vous intéressez à leurs idées (et pourtant, hein, des fois...), et voilà que vos convives récusent la maîtresse de maison.
Plus sérieusement, il convient de faire la part des choses dans les objections à une candidature de Marie-George Buffet. Passons sur ceux, il y en a, qui voient là l’occasion de chourer les clés de la place du Colonel Fabien et écrasons-les de notre mépris.
Moins triviale est la réflexion de ceux qui mesurent la disproportion des « forces » (guillemets car certaines des « forces » en question ne pèsent guère lourd) unitaires : une candidature issue du PCF, c’est le risque d’apparaître comme ces anciens « compagnons de route » et autres « républicains sincères » du temps où le PCF était stalinien ou brejnevien, bref ceux que Lénine nommait les « idiots utiles ». On peut les comprendre. Quoique. S’opposer au motif de sa propre impuissance ou manque de puissance n’est pas un mince paradoxe.
Plus compréhensible est l’attitude, fréquente chez les citoyens « non alignés » (c’est tout de même mieux dit que « non encarté », non ?), de méfiance vis-à-vis des appareils et partis politiques, soit parce qu’il en ont été, soit parce que leur action passée les a déçus ou inquiétés. Sur ce point, le PCF est plus fragile. Il le sait d’ailleurs, même si l’aveu coûte à certains. Le passé stalinien n’est pas effacé et, si besoin était, les médias le rappellent régulièrement. Le PCF a eu beau, par exemple lors de son dernier congrès, donner une leçon de démocratie concrète à toutes les formations de gauche, il a beau pratiquer les ouvertures signalées plus haut, le passé lui colle à la peau. Et, disons-le comme on le pense, l’attitude de certains communistes, certes minoritaires, mais parfois forts en gueule, nostalgiques de Thorez ou Marchais n’aide guère à une vision sereine du PCF d’aujourd’hui.
Pour qui a suivi attentivement les débats au sein du PCF lors de son dernier congrès voici quelques mois, il apparaissait que la question de l’identité communiste est dans toutes les têtes. Et que la réponse n’est toujours pas formulée. Du passé faisons table rase, dit un couplet de l’Internationale. Pas si facile. Nous comprenons celles et ceux qui, au Parti Communiste, ont voué, et dévoué leur vie à une cause qui, toujours, leur a paru juste, à celle et ceux qui ont su, ils sont nombreux, évaluer les erreurs. Rarement d’ailleurs une formation politique a eu le courage d’examiner sans complaisance ses errements, depuis le stalinisme jusque, plus récemment et moins dramatiquement, la « gauche plurielle ». Au Parti Socialiste, d’aucuns, et pas seulement Jospin, ont parlé de « devoir d’inventaire » : on en attend toujours le commencement du début. On ne trouvera pas davantage d’examen critique au MRC, à LO ou au PRG. Et guère plus à la LCR.
Il n’empêche : l’étiquette « communiste » demeure suspecte à beaucoup de nos concitoyens. Changer de nom ? D’aucuns y ont pensé, et ont reculé devant le tollé des tenants des traditions. Et cela suffirait-il ? L’enjeu pour le PCF aujourd’hui est d’œuvrer à la construction d’une nouvelle force politique. Ses adhérents, ses militants, en constitueraient à l’évidence un noyau central, et une telle construction permettrait des apports divers, enrichissants, enthousiastes peut-être. Le PCF y perdrait sans doute quelques escouades attachées aux passés, et souvent respectables. Il y gagnerait bien des énergies. Décision difficile.
En attendant, les objections, les débats décrits précédemment justifient-ils un ostracisme envers une candidature de Marie-George Buffet, dans le cadre unitaire que se sont fixé les collectifs pour l’alternative au libéralisme ? Sûrement pas.
Commentaires